Il lui fallait se lever très tôt. Même s’il n’y avait pas d’école ces jours-là. Partir au travail avec son père, les yeux lourds d’un sommeil encore proche, monter dans son auto et finir la nuit le front collé à la vitre froide de la voiture. Il filait vite dans les rues de la ville encore déserte. Une fois arrivés, après la visite rituelle du bureau paternel, on rassemblait les enfants dans la cour pour le départ. Les filles et les fils des collègues de son père. Il en reconnaissait certains, en ignorait d’autres. Mais aucune grande amitié, de celles qui marquent et cheminent tranquillement à vos côtés des années durant, ne naquit de ces journées de "centre aéré". Se voir une fois par semaine, ce n’était pas suffisant.
Puis le car démarrait, retraversait Paris à son tour pour les conduire, dans un brouhaha allant crescendo, vers le lieu où il devrait passer tous ses jeudis de l’année scolaire (car il fut un temps pas si lointain où le jour de repos des écoliers était le jeudi). Il aimait voir le jour se lever à travers les vitres de l’autocar, les lampadaires s’éteindre, les maisons peu à peu s’espacer et le vert devenir plus présent. Jusqu’à ce centre aéré qui leur semblait si lointain, alors qu’il n’était sans doute qu’à quelques dizaines de kilomètres de leurs foyers.