Oubliez tout ce
que vous croyez savoir sur la Tour d'Argent. Oubliez les collets montés, les
rince-gosiers et les repas tentaculaires à la papa. Oubliez aussi les ronchons,
les fanatico-modernistes, l’avant-garde du siphon. La Tour d’Argent, ce n’est
pas ce que vous croyez. Vous pensez l’adresse compassée, confite dans ses
habitudes d’un autre siècle, empesée et inaccessible ? Think again.
Depuis 2010
l’adresse a repris du poil, plaçant en cuisine Laurent Delarbre (MOF 2004) et
ripolinant ses tentures pour redonner un peu de mordant à ses assiettes un
temps trop tranquilles. Bien sûr les incontournables sont toujours là (on vient
là pour ça, aussi) : les « Quenelles
de brochet André Terrail », légers sous-marins gratinés dans leur
assiette à soupe, le « Caneton Tour
d’Argent, pommes soufflées », (le canard au sang quoi) dense et
puissant, sombre sous son nappage de sauce corsée, préparé immuablement dans
son petit théâtre rouge, sous la même presse à carcasse et selon le même
cérémonial qu’en 1890.
Bien évidemment
eux aussi sont toujours là, ce décor qui vous scotche dès la sortie de
l’ascenseur, cette vue qui vous ébouriffe les yeux dès qu’ils se posent sur la
Seine et les flèches de Notre-Dame. Sans aucun doute l’un des plus beaux
panoramas de la capitale, si parisien, si intemporel.
Mais sur ces racines
historiques, dans l’ombre de Musset, Balzac et Napoléon III, un vent frais
souffle de nouveau le long des nappes blanches. On s’y régale maintenant d’une
« Salade des premiers haricots verts
aux grains de caviar », croquante, vive et malicieuse, on joue du bout
de la fourchette avec les morceaux dodus d’un « Homard bleu, tomates multicolores et truffes d’été » gai,
généreux et plein de promesses comme une matinée de printemps. Et si l’on en a
encore la force, le récital du « Duo
Mara et fraises des bois, glace au miel de la Tour d’Argent » conclura
le ballet. Véritables délices !
Allez, ajoutons
pour faire bonne mesure un service aux petits soins, courtois sans
obséquiosité, pléthorique sans pesanteur, et pour tout dire amical (à l’image
du jeune maître des lieux passant de table en table), des formules déjeuner
permettant de toucher au ciel sans plomber la fin de mois et le sentiment, en
repartant, de garder avec soi, dans un coin de la tête, un morceau de l’âme
éternelle de Paris.
Alors, une fois
sans doute, brisez la tirelire, invitez votre bien-aimé(e), demandez la table
ronde, dans l’angle face à Notre-Dame, celle des demandes en mariage, des
promesses et des adieux. Vous n’êtes pas à l’abri d’une bonne nouvelle :
qu’elle soit disponible avant six mois.
La Tour d’Argent
15 & 17, quai de la Tournelle
75005 Paris
01 43 54 23 31
Menus Déjeuner à
68 € et 90 €
Menus Dîner à 170
€ et 190 €
A la carte,
comptez entre 250 et 300 € (je vous avais prévenu)
Fermé dimanche et lundi
Plus de photos de
La Tour d’Argent, ici.