Rien d’autre à faire. Il n’y avait rien d’autre à faire de toutes façons. Dans un aéroport de verre et d’acier, coincé entre la chaleur bruyante des réacteurs et le froid sournois de l’air conditionné de la salle d’embarquement, je tourne mentalement les pages de ces derniers jours. Sale spectacle dévidant sa bobine sous l’encéphale.
Déjà, dans le taxi, sous une fine pluie d’été annonçant d’improbables orages à venir, je me persuadais que c’était la meilleure, la seule chose à faire. Partir. Quitter la ville et tirer doucement la porte derrière moi.
Juste quelques bagages légers sur le siège d’à côté. Pas envie de s’encombrer. Laisser derrière soi ce qui nous ralentit, toutes ces petites pompes à souvenirs inutiles. Une chemise, bleue comme mon cœur vidé, un peu froissée sous la veste, les yeux cernés, de la lassitude le long des jambes, penché en avant les coudes sur les genoux, je regarde le sol entre mes doigts croisés et je me dis qu’il va falloir me remettre à la première personne et désapprendre le nous. Qu’il va falloir oublier vite fait cette fille à la jupe de soie rose que l’on a laissée et ces parties de jambes en l’air brûlantes. Oublier les rires, les cris et les pleurs. Noyer cette mémoire dans la vodka et la mer Méditerranée.
Je devrais être heureux en définitive car je suis là pour ça. Pour prendre le large et m’envoler vers de nouveaux espoirs. Vers des lendemains incertains mais les poches pleines de promesses. M’endormir dans de nouveaux draps et me réveiller sous de nouveaux cieux, dans l’air d’un parfum inconnu, auprès d’un corps tiède et troublant, encore inexploré. Je devrais être heureux car l’avenir, un temps recroquevillé comme une coquille de noix sous le mouchoir, a repris ses aises et ses ailes de géant, à tel point que je n’en vois plus les limites.
Mais voilà, on a beau essayer de se convaincre qu’il fera beau demain, s’enivrer à coups de « fatalité », de « nécessité » et de « destin », il n’y a rien d’évident à faire passer ce léger arrière-goût amer du départ.
Alors, le casque aux larges écouteurs sur les oreilles, l’iPod tourne jusqu’à B. Je monte le volume, quelques minutes et c’est fini. Je peux embarquer. En écoutant l’écho des trompettes. Le cœur enfin dégagé, comme ce nouveau ciel d’été.
Bande son : Benjamin Biolay – Rendez-vous qui sait (Trash Yéyé)
whaou...elle me prend à la gorge ta note...
Rédigé par : Sasha la pin-up | 20 mai 2008 à 08:30
Oh my God, mes larmes coulent et ruissellent le long de mes golfs clairs, s'accrochant doucement en buée chaude, dessinant une médaille dans le couloir de mon coeur. Je pilote ce mirage et aperçois au loin, dans mon rétro-viseur, le son de la lumière courant après la piste. C'est magnifique, c'est somptueux. Mon coeur bat au rythme de ces mots si chauds, chauds parce que vivants! Merci Thierry Richard.
Rédigé par : Sand | 20 mai 2008 à 09:37
ouh là . ça me laisse sans voix . juste émue . la gorge serrée d'avoir pu à chaque mot lu , vivre complètement cette note .
Rédigé par : emilie | 20 mai 2008 à 11:19
Quel texte... Bon voyage Thierry, où que vous alliez.
Rédigé par : Kaplan | 20 mai 2008 à 12:25
Penser l'avenir pour panser ses plaies. Tu dis "m’envoler vers de nouveaux espoirs". Je souhaite que tes espoirs soient gorgés non pas de vodka mais de félicité, de rencontres, de découvertes.
Sache, que même si ce ne sont que des mots que je te transmets via un réseau impersonnel le net, ils sont sincères.
Bon vent Richard et... c'est le printemps...
Rédigé par : Thaïs | 20 mai 2008 à 12:49
J'attends tant de toi, tant d'un rendez-vous...
http://fr.youtube.com/watch?v=IkU158B5VzQ
Rédigé par : Sand | 20 mai 2008 à 13:10
Oops ! Juste une petite précision mes amis. Cette note n'a (presque) rien d'autobiographique, il s'agit, comme parfois (souvent ?) dans la catégorie des menus plaisirs d'illustrer un sentiment, une sensation, un plaisir par un petit texte romancé. Un exercice "littéraire" sans prétention, comme une micro-nouvelle sans chute en fait. Mais je reconnais que la première personne peut ici être un peu troublante...
Merci en tout cas pour vos marques d'affection et de sympathie qui toujours me portent !
PS: Thaïs, le prénom que mes parents m'ont donné est Thierry, mais tu peux m'appeler Richard... ;-)
Rédigé par : Thierry Richard | 20 mai 2008 à 13:34
Richard, on t'appellera donc Richard ! Permets moi de gérer ton com pour moi aussi d'ailleurs si tu n'y vois pas d'inconvénients ! C'est si bon ainsi, soit-il! ;)
Rédigé par : Sand | 20 mai 2008 à 13:39
en fait tu m'as troublée avec ton "exercice littéraire" Thierry. C'est comme si on y était, ouf ! Quoiqu'il en soit je peux te souhaiter bon vent quand même Richard, non Thierry :-)
Rédigé par : Thaïs | 20 mai 2008 à 17:29
Amusant, avant de lire ton commentaire je me disais: bluff ou réalité?
Mais, même dans l'imaginaire rode un peu notre vérité. Aux départs passés, présent et je te le souhaite rares au futur, je me joins aux autres pour dire que c'est troublant et émouvant. On aurait presque envie de te consoler ;-)
Rédigé par : Claire | 20 mai 2008 à 18:32
Quel beau texte et puis finalement peu importe que ce soit l'histoire d'un ou celle de nous tous? Et puis aprés tout, j'aime beaucoup quand des nouvelles apparaissent sur le site, comme des instants de verité toujours émouvants.
Rédigé par : la chipie | 21 mai 2008 à 01:00
Ouf...
Au moment où je débarque, le tôlier embarque, me dis-je...
Et mince, une nouvelle fois mes crocs niquent du plaisir, me dis-je (bis)...
Fausse alerte.
On rentre.
Rédigé par : Laurent Morancé | 21 mai 2008 à 11:43
@Monsieur Laurent Morancé, quelle chance que j'ai de découvrir votre blog, aujourd'hui..J'espère que vous ne verrez pas de problèmes à ce que j'indique dans mon blog un de vos billet qui me marque particulièrement, et dont il me faut nécessairement en ce moment. Merci, faites-moi le savoir si celà vous dérange, je le supprimerai.
Bonne journée à tous!
Sandra B.
Rédigé par : Sand | 21 mai 2008 à 14:25
J'ai moi aussi cru que tout y était autobiographique et quelques larmes ont coulé sur mes joues... c'est un texte vraiment magnifique et je suis bien heureuse d'apprendre que ce n'est qu'un exercice littéraire ! Merci en tout cas pour ces quelques mots.
Amicalement.
Rédigé par : mlys-Flower By Kenzo | 21 mai 2008 à 19:58
Bonjour Richard ! Je t'embrasse avec ceci en guise de rouge à lèvres, ça colle un peu, je sais, mais pourtant...;)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sirop_d'%C3%A9rable
Rédigé par : Sand | 22 mai 2008 à 07:04
Bienvenu dans le sud. @ +++
Rédigé par : Pierre-Jean | 22 mai 2008 à 10:06
Et bien mes amis, que d'émotions ! Il faut vraiment que je renvoie la sauce côté restos maintenant, je m'y mets sur l'heure. Bonne journée !
Rédigé par : Thierry Richard | 22 mai 2008 à 10:52
bien sur que ça n'a rien d'autobiographique, mais quand on commence à écrire avec la nostalgie c'est que c'est bien fini.
Rédigé par : Nahimage | 22 mai 2008 à 17:18
...Mon cher bloggueur "préféré",
Belle écriture certes, mais (pudeur oblige ? ) je vous imaginais difficilement vous dévoiler ainsi !
Désolée de ne pas avoir pleuré pour vous...Ravie de vous relire soon !
Rédigé par : Françoise Leclercq | 23 mai 2008 à 09:16
Un instant de plaisir..trés joli..Merci
Rédigé par : azur | 24 mai 2008 à 08:31
putain c'est bien écrit. En particulier les premiers paragraphes. Chapeau
Rédigé par : emmanuelle | 23 juin 2008 à 18:04
tiens je viens de lire les commentaires après avoir lu ce texte et envoyé mon post. Et je n'ai jamais pensé que c'était autobiographique et d'ailleurs c'est pourquoi j'ai trouvé ce texte beau, pour sa dimension littéraire. Si parfois, on pouvait ne s'intéresser qu'à l'écriture sans se demander si il y a du vécu derrière, s'intéresser à comment c'est dit, comment c'est écrit plutôt que pourquoi, qui où donc mais car. Ca serait bien. parfois
Rédigé par : emmanuelle | 23 juin 2008 à 18:11