Chroniques du Plaisir: La Maison de l'Amérique Latine

Il flottait ce soir là comme un parfum de nostalgie campagnarde sur les rives du boulevard Saint-Germain. Cela faisait bien dix ans (si, si, la roue tourne vous savez) que je n'avais pas mis les pieds sur le gazon éclatant de la Maison de l'Amérique Latine. Quelle bêtise ! Se laisser à ce point porter par l'air du temps et négliger ces planques discrètes où la vie s'écoule en douceur, sans tapage. Imaginez donc le bonheur de retrouver cette terrasse superbe, isolée, comme un jardin perdu (bien peigné toutefois) à quelques mètres des automobiles. Un refuge de silence, de calme, comme si les coeurs battaient ici un peu moins vite. C'est bien simple, la Maison de l'Amérique Latine est sans doute l'une des plus belles terrasses de Paris et l'une des plus ignorées (mais est-ce un mal ?)

De belles tables aux nappes blanches lestées de leur argenterie, des fleurs coupées, de grands parasols et, le soir descendant, la lumière vacillante des bougies vibrant dans ses yeux. Car bien sûr, on ne vient pas ici seul, le mieux étant, sans doute, d'y être galamment accompagné. C'était heureusement mon cas. On pouvait donc parler à voix basse et laisser filer le temps, lui accorder le droit anachronique de se dissoudre lentement dans la nuit. Sans se presser.

Et la cuisine me direz-vous ? Vous savez bien qu'on ne vient pas ici pour ça. Et pourtant, elle est bien plus qu'honorable. Le "Marbré de ris de veau et caille" faisait résonner le vert cinglant de ses asperges estafilées, avec rondeur et bonhomie. Le "Quasi de veau à la gremolata" roulait tranquillement ses petits pois à la française, sans déshonneur, avec même un petit côté frondeur très agréable. Juste un bémol sur le dessert ("Transparence de fruits rouges au basilic") un peu trop apprêté à mon goût. Mais au final, le bel accord d'une cuisine sans prétention autre que celle de vous accompagner agréablement un moment, ayant cette délicatesse de ne pas vouloir à tout prix s'imposer dans votre tête à tête.

Service d'expérience, adorable. Pour un peu, on garderait l'adresse pour soi. Mais vous le savez, je ne suis pas comme ça.