Les yeux fermés, le sourire intérieur, même si je ne veux rien laisser paraître au milieu de tous ces gens que je ne connais pas, c’est sûr, je dois avoir l’air terriblement niais. Mais franchement, je m’en fous. De toutes manières, le dos incliné, avec la tête basculée en arrière dans le bac, les halogènes du plafond opalin m’aveugleraient. Un bon prétexte pour baisser les paupières, desserrer les poings et laisser filer la musique.
Le contact cinglant et froid de l’émail sur mon cou. Comme une décharge, le signal du départ, les trois coups et le rideau qui se lève. Alors je sens sa main sur mon front, le son clair de l’eau chaude en cascade et ses vagues descendantes le long de mes cheveux. Comme une première torpeur qui relâche le corps. Et vous conduit à l’abandon.
Une main sous la tête. Puis le parfum du shampooing comme un baume, sa fraîcheur contre la tiédeur de l’eau. Et la danse de ses longs doigts fins peut débuter. La mousse qui bruisse un peu, comme un papier de soie que l’on froisse, un crissement léger sous des doigts fermes. Les voilà qui enchaînent leurs petits mouvements précis, enveloppants, dans un parcours bien balisé du sommet du crâne, de la nuque, des tempes, des pressions, des rondes circulaires, dix doigts coordonnés en un ballet de natation synchronisée.
Je ne sens qu’eux. Les bruits du salon se sont éloignés, je n’entends plus rien. Je ne suis au monde que pour suivre à la trace ces mains qui semblent si bien connaître les secrets licencieux de ma tête trempée.
Je voudrais que cela ne s’arrête jamais. M’endormir doucement sous ces caresses. C’est promis, je ne médirai jamais plus sur les shampooineuses, elles vous caressent l’âme avec candeur, allument des feux de Bengale silencieux le long de votre moelle épinière et vous emmènent ailleurs avec comme seuls bagages un peu d’eau et de savon.
C’est leur petit miracle quotidien.
Illustration : André Galland (1886-1965) – Chez la coiffeuse
Mais où est-ce que tu vas chercher tout ça ? Ha oui, dans une tête bien trempée. Tu as écris en direct du salon avec ton blackberry ? bon, assez plaisanté : c'est quoi l'adresse de ta coiffeuse ?
Rédigé par : galienni | 21 novembre 2008 à 20:20
Un pur moment de bonheur! Certaines sont de vraies geishas!
Rédigé par : Sarah-Lou | 22 novembre 2008 à 20:34
Galienni > Rue des Martyrs, ça ne s'invente pas ! ;-)
Sarah-Lou > Je ne te le fais pas dire...
Rédigé par : Thierry Richard | 24 novembre 2008 à 09:55