C’était il y a deux ans, ou trois, je n’ai pas de mémoire, nous étions à Londres en février, ou mars, je ne me souviens avec exactitude que du ciel bas enfumé et des pulls fins sous la veste. On en avait parlé dans les journaux. La Saatchi Gallery avait empoigné son porte-voix, déchaîné ses public relations, placardé tous les murs et décrété depuis son phare d’avant-garde le tant espéré « retour de la peinture ». Preuves à l’appui : une exposition prétexte d’où l’on avait banni installations et video, concept art et multimedia, pour se retrouver face à face avec la peinture et assister, essoufflé, au rutilant « Triumph of Painting ».
Nous revenions de l’autre rive, de la Tate Modern dont l’immense cheminée de brique recevait en plein ciel une pluie d’aiguilles. Pas de parapluie. Les cheveux qui collaient sur le front, les épaules trempées. Et au bout du pont, auprès des bords verdis de cendres de la Tamise, l’accalmie derrière une vaste colonnade en arc de cercle.
Il avait fallu se délester au vestiaire, se réchauffer rapidement dans l’air bruyant d’un sèche-mains avant de s’engager dans les couloirs de bois sombre. C’est là, dans un dégagement, entre les silhouettes en flaques phosphorescentes de Daniel Richter et la douceur perverse des enfants de Marlene Dumas que je l’ai vu.
Une première toile aux dimensions impressionnantes. Un immense canoë bleu turquoise flottant sur une rivière endormie aux reflets dorés. Sur les berges un silencieux cortège d’herbes hautes comme autant de feu follets. Au premier plan, une sombre palissade. Et sur l’embarcation, comme un point de détail, une jeune fille blonde à la tête penchée, le bras au dehors affleurant la surface de l’eau de jade. Un tableau aux lignes horizontales, aux couleurs de transparence, de quiétude et de vide.
Puis un autre, tout aussi grand. Un vaste espace blanc de neige aux aplombs rocheux, quelques skieurs en pointillés. Et un autre. Reprenant le canot en son sein pour le placer dans un kaleidoscope de couleurs vives et de flashes de lumières, comme dans une vision hallucinée. Et d’autres encore. Un vaste paysage de campagne vu à hauteur d’insecte. Une cité radieuse derrière les arbres.
Cette impression inattendue, ce sentiment immédiat d’une œuvre peinte exclusivement pour vous, nous l’avions déjà connu, mais dans ces paysages étonnants au milieu de la ville embuée, nous nous y abandonnions de nouveau avec délice.
Nous vivions à petites gorgées la découverte d’une peinture qui vous tire par la manche, vous emmène dans ses bagages, vous rappelle à la nature, aux espaces et aux courants, à la vie qui bruisse et qui coule.
Aujourd’hui Peter Doig est à Paris. Vous ne devriez pas y échapper.
Peter Doig
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
Jusqu'au 7 septembre
11, avenue du Président-Wilson
75016 Paris
Téléphone 01 53 67 40 00
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Entrée : 5 €
Pour en savoir plus, c'est là.
C'est superbe ! Je pense là à Pocahontas...Des sas de reliures et de peintures noyant les rivages de tant d'enclumes, de dunes et de brumes...Nageant au gré du vent vers la cité de la joie, la cité perdue de tous ses mystères, tout ce qui fait qu'on y échappe pas, non, biensûr, dans un Peter Pan ou un Pocahontas, comme la toile...la toile de quoi, finalement...
Rédigé par : Sand | 06 juin 2008 à 14:08
Super ça donne envie, peut-être cet été...
merci et bon We !
Rédigé par : Thaïs | 07 juin 2008 à 08:51