Autant l’avouer d’emblée. Le départ tant pleuré de Lucette Rousseau, dite Lulu, de l’Assiette dans le XIVème ne m’a pas plus ému que ça. Question de génération peut-être. Quand toutes les écharpes rouges de la Mitterrandie se pressaient chez elle pour savourer des additions de délit d’initié, je n’avais pas l’âge de porter le manteau-chapeau mou. Question de géographie aussi sans doute. L’Assiette n’étant pas au bas de mes escaliers. Loin s’en faut. Un fleuve nous sépare.
Mais c’est maintenant que je regrette cet éloignement. Maintenant que Lulu a remisé son tablier sous le paillasson. Maintenant que s’est glissé derrière les fourneaux un des plus talentueux Ducasse’s boys (David Rathgeber). Maintenant que la note a enfin retrouvé le sens des réalités.
Car voyez-vous, l’Assiette est une drôle de fabrique à sentiments. Il devrait même être interdit d’y venir seul le soir tant ce qu’elle a à offrir ne s’envisage que partagé. A la rigueur un plaisir solitaire du déjeuner peut-il être envisagé (une petite dose d’égoïsme tranquille le livre à la main), mais je vous fiche mon billet que vous n’aurez qu’une hâte en reposant ensuite le pied sur le trottoir : y revenir avec vos meilleurs amis. Pourquoi ? Pour cette ambiance thermostat 8 où les joues se colorent, le ton vire à la confidence entre deux bouchées et où la salle, en église aux vieilles tables craquelées caramel, fait revivre dans un souffle chaleureux un peu de l’âme immortelle d’un Paris bon et bien vivant. Et pour cette cuisine, bien sûr, sacrément douée, franche, généreuse, joviale, d’une lisibilité parfaite à la tradition malicieusement chahutée.
A l’image de ces Escargots en pot et croutons (12 €), suaves et croquants, de ce sublime Petit pâté chaud de canard Colvert (26 €), parfaitement maîtrisé et au goût puissant de poudrière humide et d’une galerie de desserts incroyables, Crème caramel (inédite et mortelle), Ile flottante (démesurée), Riz au lait (d’une légèreté incompréhensible), goûtés en bande, histoire l’aller un peu au fond des choses… Toujours de saison et de belle extraction, j’aurais pu opter pour le Dos de sanglier poivrade, le Pot-au-Feu dans l’assiette, le Parmentier de boudin ou les Saint-Jacques poireaux truffes noires.
Oui, j’aurais pu. Mais il fallait bien me donner quelques raisons de revenir. Comme si l’assiette de charcuteries en apéro, affutée comme un maquignon un jour de foire, ou le Côtes-du-Ventoux Martinelle 2007 (25 €) – la carte des vins est un peu sévèrement tarifée – petit ruban de velours rubis, ne suffisaient pas !
Pfff ! Vous avez compris l’essentiel en tout cas. Pas besoin de faux prétextes, je repasserai le Pont Alexandre III, c’est sûr.
L’Assiette
181, rue du Château
75014 Paris
Téléphone : 01 43 22 64 86
Ouvert du mercredi au dimanche
Formule déjeuner à 25 €
A la carte, comptez de 50 € à 70 €
Deux pages de photos de l’Assiette ici.
Je salue d'emblée la qualité des photos, on est passé dans une autre dimension !!! J'ai presque salivé devant l'assiette de charcuterie et il n'est "que" 10h du matin... J'ai de la chance, la rue du château est à deux pas de chez moi (bon, disons quatre). Je n'aurai aucun pont à traverser pour m'y rendre...
Rédigé par : Kaplan | 09 janvier 2009 à 09:58
Oui, ce lieu est un délice qui révèle que parfois notre monde est si joli.
Et le chef n'est pas en reste sur l'accueil. Il m'a fait l'immense plaisir un dimanche de nous faire un poulet purée à sa façon qui n'est pas sur la carte. Un déjeuner de famille avec enfants. 14 à table. Pas mieux...
Rédigé par : Mry | 15 janvier 2009 à 04:45