Ce sont nos amis de toujours. On a connu ensemble le temps des mariages, des fleurs blanches et des robes en soie. Des retrouvailles sur de vagues parkings improvisés dans les champs, autour d’un buffet, en chignons et chapeaux, les boutons de manchette impeccables, les cravates radieuses. Et un jour, sans prévenir, vient le temps des couronnes, des larmes et de l’encens oscillant sur le bois ciré enfermant un parent disparu. C’est le temps en marche. Celui qui, de loin en loin, vous rappelle à votre condition. Vous indique sans trompe-l’œil le bout du chemin.
Dans l’église, on pleure les morts mais ils sont déjà au-delà de nos larmes. En vérité, on embrasse la peine de ces amis chers car leur tristesse se partage comme ils ont partagé avec nous leurs plaisirs et leurs rires. On ne dit rien, on ne trouve pas les mots. On se regarde alors avec intensité, tentant de faire passer dans ce regard toute la compassion dont on est capable. On redevient des corps, on se serre, on s’enlace, on se passe la main dans le dos avec vigueur, on serre d’une main ferme un bras, une épaule, comme pour transmettre un peu de notre force à ceux qui sont éprouvés et que l’on aimerait tant réconforter. On voudrait ne rien laisser paraître de notre trouble mais il n’y a pas d’artifice qu’une larme ne dissolve.