Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j’ai toujours eu un rapport très charnel avec la cuisine de Pierre Jancou. Est-ce dû à ce goût prononcé qu’il affiche depuis toujours pour les produits soigneusement sélectionnés et forts en saveurs ? Est-ce à cause de son goût précurseur et immodéré pour les vins naturels ? Est-ce la résultante d’une projection mentale liée à ces voyages qu’il effectue régulièrement en Italie et dans d’autres coins reculés à la recherche de producteurs d’exception ? Est-ce la conséquence de plats toujours généreusement servis en portions XXL ? Ou est-ce tout simplement dû à ces tatouages sauvages qu’il arbore le long de ses avant-bras de titi parisien ? Je ne sais pas vraiment.
Toujours est-il que, depuis Racines et aujourd’hui chez Vivant, Pierre Jancou est pour moi l’archétype du cuisinier (il n’aime pas le mot « chef » et il a bien raison) qui sait donner à ses assiettes un surcroît de sensualité généreuse. Dans la nudité, le dépouillement, d’un jambon « Fiocco di Culatello » ou dans la rondeur aguichante d’une assiette de pâtes « Rigatoni alla Norma », dans l’épaisseur saignante et vibrante de chaleur d’un canard (de Challans, forcément) ou dans les couleurs douces et croquantes des légumes d’Annie Bertin qu’il cuit à peine (c’est pour moi son seul défaut bénin à mon palais), je retrouve dans ses plats une forme d’animalité rustique, basique sans être simpliste, comme une cuisine ramenée à son essentielle volupté. C’est cette vie même que l’on retrouve dans ses vins paradoxaux, rares, aux saveurs qui semblent revenues de longs voyages, comme puisées à l’antique source du pressoir. En apéritif, un vin blanc « Les lèches 2008, de Gérald Oustric » (26 € la bouteille) légèrement perlant, croquant, fruité et d’une fraîcheur de fontaine toscane aurait suffi à notre bonheur. Il fut pourtant suivi d’un verre de Coteaux du Giennois 2005, de Mathieu Coste (25 € la bouteille) d’une agréable rondeur sauvage sur le canard.
Aucun doute, ce Vivant porte bien son nom, car, finalement, au fond de cette ancienne oisellerie de 1903 aux faïences superbes palpite un cœur. Celui d’une cuisine de saveurs affirmées et de bienveillance complice. Une cuisine charnelle.
Vivant
43, rue des Petites-Écuries
75010 Paris
01 42 46 43 55
Fermé samedi et dimanche
A la carte compter entre 40 € et 60 €
Plus de photos de Vivant, ici.
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