Chroniques du Plaisir: Albion

17 mai 2012

Albion

Oubliez la viande bouillie à la menthe et la jelly tremblotante de vos antiques séjours linguistiques. Voilà quelques années que les britanniques se sont remis aux fourneaux avec ferveur et talent. Et les voici maintenant qui quittent les rives de la tamise pour venir taquiner de leurs chapeaux melon les assiettes parisiennes.

Dans ce domaine, Hayden Clout et Matthew Ong (ancien de Fish – La Boissonnerie) ne sont pas les plus malhabiles. Loin de là. Contrairement aux apparences, leur restaurant, si justement nommé Albion, est bien plus qu’une cave à manger (on connaît le goût anglais pour nos vignes et leur divin jus). Dans un décor mi-cave à vins des halles (casiers, bouteilles, étagères) mi-bistrot à la papa (bois sombres omniprésents), se déploie une cuisine vive, imaginative dans ses accords, assez habile pour flatter les papilles difficiles sans verser dans l’élucubration, subtile et efficace.

La carte courte sans être minimaliste balaye le registre bistrotier tendance Converse (on est dans le Xème tout de même) : « Risotto à l’encre de calmars, purée de chorizo », « Velouté de betteraves, beignet de chèvre frais », « Demi-canard fermier en deux façons, purée à l’ail et mini-poireaux », « Filet de mulet noir, légumes de printemps, bouillon safrané », « Filet de bœuf en croûte de poivron rouge épicé, crème d’épinards et émulsion de foie gras »…

Un plaisir que l’on retrouve dans la présentation des assiettes, très graphiques et colorées, tant il est vrai que l’on mange aussi avec les yeux. Ne loupez pas le Stilton, ce fromage puissant dont tout Albion s’enorgueillit (à juste titre). Côté dessert, du tradi (crumble, tarte, panna cotta…) mais avec un twist que ne renierait pas Mr Paul Smith himself, tel ce caramel aux olives noires des plus surprenants.

Et si je vous dis que, cave à vins oblige, le liquide est ici choisi avec grand soin et que l’ensemble de l’addition devrait difficilement franchir le cap des 35-40 €, vous comprendrez que plus personne dans le quartier ne songe à bouter l’anglais hors de France.