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Il se murmure que le secret
de la ligne filiforme de Karl Lagerfeld est des plus simples : un déjeuner
léger à base de salade de crabe royal du Kamchatka et de 100 grammes de caviar
que le dandy au catogan inamovible déguste à la petite cuillère. Sans oublier le
Coca light qui arrose le tout. Pour le Coca et le King Crab je ne sais pas,
mais pour le caviar, j’ai essayé. Magnéto !
Nous étions à quelques
jours de l’été. Vous savez, lorsque les jours ont l’air si légers qu’ils vous
donnent des ailes et l’envie de prolonger les soirées infiniment. Le dîner
était surprise. En poussant la porte, je me suis souvenu de cette remarque d’un
ami proche : « Tu n’imagines pas le
pouvoir érotique de la montée des marches de Kaspia. Lorsqu’elle grimpe à
l’étage, une femme sait que pour elle, ce soir là, tu es prêt à tout. »
Il n’avait pas tort, ses yeux brillaient un peu plus à chaque marche.
Dans ce décor tranquille,
entre datcha tchekovienne (bois blonds
patinés, vieux souvenirs de Russie, huiles sur toile enneigée) et ambiance
maritime aux tons bleu pâle, se vit une passion monomaniaque pour le caviar et
les poissons fumés. Cornichons Molossol et mini-blinis de Tarama maison (crabe
et corail d’oursin) en avant-goût. Généreuse salade de saumon fumé délicatement
parfumée à l’aneth pour faire monter la pression en entrée : un poisson à
la chair délicieusement fondante que font swinguer quelques œufs de saumon à la
saveur explosive. Puis vient le moment de vérité. Le caviar (Imperial Biera) servi selon la tradition
sur une pomme de terre chaude, accompagné de sa crème fouettée à la ciboulette.
La claque. De la douceur rondelette de la pomme de terre, de la suavité légère
de la crème (un délice aérien comme rarement rencontré) émerge la puissance
iodée et salée du caviar. L’imperator
règne alors sur son palais, et le nôtre. Une attaque franche et fine, tout
juste tempérée par une légère tiédeur, qui emporte tout sur son passage. La
cuillère de nacre replonge aussitôt vers son désir brut. Mon dieu que c’est bon !
A peine le temps d’avaler une gorgée de vodka glacée, à la transparence encore frémissante.
Elle sourit. Un parfum de
luxe serein emplit la salle. Par moment son regard s’échappe vers la fenêtre
toute proche et parcourt les colonnes de la Madeleine dans le soleil couchant. Pense-t-elle
aux nuits enfiévrées des années 30 où Morand, Cocteau et les Ballets Russes
venaient finir ici leurs soirées à la louche ? Je ne sais pas. Mais la
nôtre, c’est sûr, ne fait que commencer.
Caviar Kaspia
17 Place de la Madeleine
75008 Paris
01 42 65 33 32
Menus
déjeuner (avec caviar) de 69 € à 129 €
A la carte, comptez (sans
caviar) autour de 60 € ou (avec caviar) entre 100 € et 130 €
Fermé le dimanche
Plus de photos de Caviar
Kaspia, ici.