J’en ai rêvé de cet objet. Je le voyais de loin en loin, ici, essoufflé, un peu râpé, entre deux lampadaires Jacobsen d’un jeune antiquaire, là, neuf, éclatant de blancheur dans une boutique chic de la Rive Gauche, sous un plafond de verre dépoli aux lumières sourdes, une autre fois encore, célébré dans les pages d’un magazine de déco faussement avant-gardiste. Bref, il savait se rappeler à mon bon souvenir, et j’aimais bien le retrouver, comme un vieil ami à qui l’on ne donne jamais de nouvelles mais que l’on est toujours heureux de revoir car il nous conforte dans ce sentiment que, comme cette longue amitié silencieuse, certaines choses sont immuables.
Plusieurs fois, j’ai failli l’acheter. Mais jamais au bon moment, au bon endroit, au bon prix, jamais dans le bon appartement. Et toujours les mêmes doutes : un seul ou une paire ? Noir, blanc ou marron ? Réédité ou de collection ? Comme autant de faux alibis pour perpétuer cette envie périodique, ces rendez-vous hasardeux, ce désir que l’on aime ressentir encore et encore avant de l’assouvir.
Le cuir souple, l’acier chromé, la douceur de ses courbes, l’élégance aristocratique de sa forme, la finesse de son piètement et la largeur extravagante de son assise, tout dans ce siège est séduction. La fluidité de son style semble hors du temps, on le conçoit aussi bien dans l’intérieur moulures-parquet-cheminée d’un appartement Haussmannien, pimentant un mobilier Louis XVI ou Directoire, que dans le salon immense, désert et lumineux d’une maison Le Corbusier au milieu des arbres.
C’est d’ailleurs dans tel un environnement, de verre, d’acier et de marbre, le Pavillon Allemand que créa l’architecte Ludwig Mies van der Rohe pour l’Exposition Universelle de Barcelone, qu’il vit le jour en 1929. Et trouva ainsi son nom de chaise « Barcelone ».
1929… Jacques-Henri Lartigue photographie les jupes blanches en apesanteur des joueuses de tennis, la Croisière Jaune quitte Paris pour l’Arabie, la Perse et enfin la Chine, Paul Morand publie New-York, les hommes portent gants et chapeau, les femmes découvrent leurs chevilles et les bulles de Champagne ; la vie semble pleine de promesses, de modernité, d’une folie bienveillante.
Cette fois, c’est sûr, je me sens prêt, cette chaise, il me la faut.
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Barcelona Chair
Réédition neuve : KnollStudio (la référence), environ 4 700 €
Ancien : A partir de 3 000 €
J'ai la même relation exactement avec cet objet que je ne possède pas encore;
Récemment j'ai découvert des reproductions (neuves) et très bien réalisées, entre 1000 et 1500 euros.
Cela vient d'italie souvent et se trouve sur des sites web allemands ou anglais (https://www.jmcfurniture.co.uk/product.php?productid=16151&cat=0&page=1).
A Paris j'ai même vu un de ces modeles exposé dans une boutique dont la couleur marron "gold" présentée sur un parquet blanc était réellement sublime.
Rien que d'y penser je crois que moi aussi cette fois, je suis prêt...
Rédigé par : Adrien | 14 mars 2007 à 18:32
J'ai travaillé dans un environnement où il y en avait une, plusieurs...tous les 'classiques', désirés,enviés. Très belle, une réalisation sublime: chaque carreau est cousu et assemblé (d'où le prix....) et non pas surpiqué (d'où le prix des 'copies'....lol!).
Véritablement inconfortable.....préférer la Eames!
Rédigé par : Falbalas | 23 avril 2007 à 02:47
Ah Barcelona... ce fût sans aucun doute ma première assise de désir. J'avais 15 ans je crois, je l'ai découvert chez un petit antiquaire de ma province. Mes parents ne comprenaient rien à ce design (depuis je les ai éduqués!) et comme je n'avais pas assez d'argent je n'ai pu m'offrir cette paire ancienne qui était à... 3000 francs! Hé oui à l'époque faut croire que personne ne voulait de Mies van der Rohe chez soi! Aujourd'hui ma collection a avancé mais Barcelona restera encore mon petit graal d'inconfort à moi quelques années...
Rédigé par : MadameBidule | 29 août 2008 à 11:25