C’est un étrange sentiment qui vous saisit à la sortie du métro Place des Fêtes, les jours de marché : un espace vert, dernier carré de verdure perdu au pied de grandes tours sévères et sombres, cerné d’un ruban multicolore et bruyant de marchands des quatre-saisons, bouchers, poissonniers et bien d’autres aspirateurs à chalands.
En haut des marches de la station, on fait ainsi soudain irruption dans un Paris populaire, fait de grands ensembles et d’une vie de quartier animée, turbulente et bavarde qui, dans un environnement de béton triste, entrouvre pourtant son cœur tous les mardi, vendredi et dimanche et le dépose encore battant sur l’étal de son marché.
Ce marché de la Place des Fêtes, c’est parmi les dizaines de marchés parisiens celui que Daniel Rose, le jeune chef du déjà célèbre restaurant Spring (9ème) a choisi pour y puiser les ressources et l’inspiration du menu qu’il sert quotidiennement aux seize bienheureux convives de son restaurant de poche.
Situé dans le quartier en vogue de SoPi (South of Pigalle), le Spring s’est en effet taillé en quelques mois d’existence une réputation de table à la mode, séduisante et originale. Daniel, originaire de Chicago, y concocte devant vous, dans sa cuisine américaine ouverte sur une salle miniature, une cuisine de l’instant à la fraîcheur et l’inventivité épatantes.
Fruits, légumes, épices et poissons viennent tous du marché de la Place des Fêtes que Daniel Rose fréquente trois fois par semaine, la viande venant pour sa part des Boucheries Nivernaises, fournisseurs reconnus de l’Elysée : « J’adore faire mon marché, c’est là que je puise mon inspiration et que les idées me viennent. Cela m’est impossible en ouvrant simplement mon réfrigérateur. J’aime cette tradition française, qui malheureusement se perd, du marché de saison, des produits frais achetés le matin et que l’on retrouve le soir dans l’assiette. »
Levé tôt, il fait partie des premiers visiteurs. Il va et vient, sans idées préconçues trop précises, juste quelques directions imaginées la veille, aujourd’hui un bouillon de poule avec des raviolis de champignons, de la raie, de l’agneau, pour le reste l’inspiration vient sur l’instant. A la vue des produits, par associations d’idées…
Depuis plus d’un an qu’il vient ici, Daniel s’est fabriqué ses propres habitudes, ses affinités électives avec quelques fournisseurs, triés sur le volet. Chez Messant, un maraîcher cultivant sa propre production en Seine-et-Marne, près de Coulommiers, ce sont des fleurs de courgettes qui attirent son attention et l’idée de les farcir d’une mousse de volaille et foie gras se fait rapidement jour. Il y achètera aussi des pommes, du potimarron, des herbes fraîches et d’étonnantes courgettes jaunes.
Il navigue entre les étals, ignore les marchands vendant des produits de catégorie II (on n’a pas été formé à l’Hôtel Meurice pour travailler des produits de moindre qualité), s’attarde sur un pâtisson qu’il aurait bien cuisiné au four, s’il avait eu un dîner pour quatre à préparer à la maison, mais là, pour seize couverts, c’est impossible.
Il s’arrête chez Giola, le poissonnier historique du marché (plus de 50 ans de présence assidue) à l’étalage long comme un transatlantique et à la pêche d’une fraîcheur de banquise. C’est l’idée de la raie qui trotte dans sa tête depuis la veille. Elle est magnifique, il l’envisage avec une simple grenobloise revisitée et l’affaire est faite.
En complément, il achètera chez son marchand portugais quelques olives Kalamata et de grosses câpres qui complètent peu à peu l’idée qu’il se fait de l’assiette du soir.
Daniel Rose ne pourrait pas se passer de ces moments matinaux qui font partie de sa manière d’envisager la cuisine : « le marché est important, pas seulement pour les produits mais parce qu’il donne l’envie, l’énergie. »
Un rapide détour dans le 13ème pour les feuilles de raviolis chinois et nous nous retrouvons dans l’après-midi rue de la Tour d’Auvergne, dans la minuscule cuisine américaine du Spring où Marie-Aude Mery, le nouveau second de Daniel s’active déjà. Les odeurs s’y mélangent, un jus de viande en réduction, une compotée de pomme qui fleure la vanille, les sons s’y mêlent, le couteau sur la planche qui détaille les courgettes jaunes en brunoise, le floc-floc de la cuisson lente de l’agneau que Daniel a mis sous vide avec de la graisse d’oie depuis plus de 24 heures…
On y retrouve nos achats du matin, et quelques autres, glanés aux environs dans la rue des Martyrs en complément d’inspiration de dernière minute. Le potimarron en purée, des câpres géantes qui viendront secouer la grenobloise de la raie, des radis roses en mini-dés, une farce de cèpes et d’aubergines pour les raviolis.
Au final, ce soir, les clients du Spring se seront donc régalés de raviolis de cèpes dans un bouillon de poule avec des fleurs de courgettes, une raie « quasi-façon grenobloise » modernisée d’un jus d’agrumes, servie tiède, puis de l’agneau en plusieurs découpes et cuissons, (croustillant de peau, filet poché à l’huile d’olive, épaule confite et tartare) accompagné de potimarron, et en dessert d’une pomme rôtie, sablés au gingembre, compote de pomme vanille et badiane et sabayon à l’italienne.
Daniel, lui, imagine déjà le dîner du lendemain.
Spring
28, rue de La Tour-d'Auvergne
75009 Paris
Téléphone : 01 45 96 05 72
Réservation indispensable
(Article paru dans le n°4 du Magazine GUSTO)
ça fait longtemps que je ne suis pas venue me lécher les babines sur ce délicieux blog !
(je cherche un bon restau pour vendredi soir, alors évidemment mon premier réflexe à été de venir ici...)
Rédigé par : solenne | 22 novembre 2007 à 11:06
Tout le monde est donc ravi de recevoir, d'imaginer. La description de ce Monsieur Daniel Rose à son rapport aux aliments est adorable, par contre je trouve que son rapport avec sa clientèle, enfin à moins que l'on ne trouve pas ça important puisqu'il est question de cuisine essentiellement..., et que la fin nous laisse imaginer que ce chef imagine au lendemain, peut-être ou certainement que j'illusionne..., mais ne trouvez vous pas que son rapport ou (reconnaissance)aux clients est inexistante ou mieux cavalière?Ca refroidit...mais vous me direz, le lendemain il y en aura toujours d'autres. Merci Thierry et, Bonne et agréable journée à vous.
Rédigé par : Sand | 23 novembre 2007 à 08:10
Tout le monde est donc ravi de recevoir, d'imaginer. La description de ce Monsieur Daniel Rose à son rapport aux aliments est adorable, par contre je trouve que son rapport avec sa clientèle, enfin à moins que l'on ne trouve pas ça important puisqu'il est question de cuisine essentiellement..., et que la fin nous laisse imaginer que ce chef imagine au lendemain, peut-être ou certainement que j'illusionne..., mais ne trouvez vous pas que son rapport ou (reconnaissance)aux clients est inexistante ou mieux cavalière?Ca refroidit...mais vous me direz, le lendemain il y en aura toujours d'autres. Merci Thierry et, Bonne et agréable journée à vous.
Rédigé par : Sand | 23 novembre 2007 à 08:10
Excuse: j'ai fait une mauvaise manipulation!
Rédigé par : Sand | 23 novembre 2007 à 08:12