Il y a des cuisines qui se livrent dès le premier abord, immédiatement, que l’on lit tout de suite dans le texte, comme si l’on parlait couramment plusieurs langues sans même les avoir apprises, et il y en a d’autres qui se pénètrent à force de curiosité poussée, lentement, précautionneusement, qu’il faut déchiffrer et pour lesquelles il vaut mieux se munir d’un guide et d’un interprète. Dans la première catégorie (pour moi) la cuisine italienne, sa chaleur, sa limpidité, sa générosité et son respect absolu du produit même le plus simple. Dans la seconde, la cuisine asiatique, ses plats aux noms imprononçables, ses ingrédients mystérieux, ses saveurs subtiles, ses assiettes qui vous ramènent à vos terreurs enfantines (le goût de la méduse) et ses repas en puzzle d’où disparaît la sacro-sainte trinité entrée-plat-dessert.
Pour pénétrer cette jungle aux mille tentations, il me fallait un guide au coupe-coupe bien affuté, connaissant tous les passages et les raccourcis, intrépide et détendu, et lui laisser la bride sur le cou. C’est donc lui qui choisit notre première destination.
Nous voici, à plusieurs, pour une entrée en matière pas trop brusque, au fin fond de Chinatown, devant les idéogrammes lumineux du Pho Banh Cuon 14, où, m’assure-t-on, on déguste pour quelques euros le meilleur bouillon vietnamien de la capitale. Dépaysement complet dès le trottoir. Population mixte, jaune et blanche, toujours jeune, qui fait la queue (la file d’attente est une constante du lieu, il faut en prendre son parti, ici on ne réserve pas) sans impatience sous des néons éclatants de couleurs vives.
A l’intérieur, le confort est minimal, tables de formica, sous-main en papier, verres et couverts de cantine, la déco donne dans le prévisible bric-à-brac simili-toc asiatique avec sa cohorte de bibelots aux couleurs criardes. Mais on serait déçu s’il en était autrement, non ? Une grande tablée, c’est plutôt sympathique, ça balance sa chaleur, son âme cosmopolite, d’autant plus que la délicieuse jeune fille qui me fait face est d’origine chinoise. C’est elle qui complètera mon éducation ce soir : le Pho (prononcer « fe ») est la soupe traditionnelle du Vietnam, le plat populaire par excellence, qu’il n’est pas rare de voir dégusté le matin au petit déjeuner dans les rues encombrées de Hanoi.
La base du Pho, c’est bien sûr le bouillon, c’est ce qui en fait la qualité et qui est sans doute le plus difficile à maîtriser. Il est essentiellement constitué de bœuf et des traditionnels « cinq parfums » (coriandre, fenouil, anis, cannelle, poivre noir et girofle). Il est d’usage de le confectionner au moins la veille et de le laisser mijoter jour après jour. Ainsi, le connaisseur pourra reconnaître le nombre de jours de cuisson du Pho à la couleur plus ou moins claire du bouillon et son niveau de concentration, on ne mange donc jamais le même bouillon dans un Pho, tout dépend de la date de démarrage de la cuisson et de votre jour de passage... On lui ajoute ensuite des nouilles de riz assez larges, puis l’accompagnement en viande : fines lamelles de bœuf crues (qui cuisent dans votre bol, saisies par la chaleur du bouillon, une étonnante sensation de mi-cru-mi-cuit, 6,80 € sur la carte) ou des boulettes ou encore des tripes ou un mélange de tout ça (le summum à 7 €) !
Arrive alors sur la table votre bol, délicieusement fumant, subtilement odorant, accompagné d’un plat de légumes, herbes et épices. Commence alors l’assemblage au goût de chacun, la liberté du dosage et des ingrédients. A disposition du soja frais, du basilic asiatique, des piments, de la menthe, des feuilles de coriandre, du citron, des sauces épaisses…
Je laisse ma préceptrice se charger de la délicate composition. Le résultat est épatant. Variations sur les textures (soja croquant, nouilles tendres et viande à déchiqueter), les arômes (puissant pour le bœuf, délicat avec les herbes), les couleurs.
Il n’y a qu’à fermer les yeux, ouvrir les narines, écouter les sentiments sur sa langue et on y est. L’Asie du Sud-Est, les matins bleu tendre sur le fleuve, la végétation déraisonnable, le temps au ralenti, les filles au sourire limpide, puis l’excitation des ruelles, la brume et la poussière, les nuits de néons. Et tout ça dans une addition de 10 €…
Dis, Rosalie, tu m’emmènes encore ?
Le Pho, en images, et sans commentaire, c’est ça :
Remerciements : elle, lui et le reste de la Brigade.
129, Avenue Choisy
75013 Paris
Téléphone : 01 45 83 61 15
Ouvert tous les jours de 9h à 23h
Comptez entre 10 et 15 € pour un repas complet
Ca a l'air aussi bon que chez N'guma au Palais Royal dis donc!
Rédigé par : Mlle E | 09 janvier 2008 à 13:37
Et bien voilà, il me suffit d'un coup de cuillère dans une assiette pour ressentir tout l'érotisme de ces petits néons d'aquarium que j'adore voir danser. Merci, c'est un délice de soupe, un filet de boeuf comme je les aime, je craque désesperemment...de 14 après le 13!
Rédigé par : Sand | 09 janvier 2008 à 14:07
Si toutefois vous poursuivez vos pérégrinations dans le 13ème faites encore quelques pas jusqu'au Bambou qui équivaut le Pho Banh Cuon 14 dans la qualité et surtout la diversité des soupes.De fait nul besoin d'évoquer qu'il font les meileurs Bo-Bun de Paris.
Rédigé par : Tanaka | 09 janvier 2008 à 16:18
merci pour ce beau billet, tu racontes parfaitement ce qu'est un pho! Quant à moi, j'ai eu la chance d'en manger au vietnam, et aussi j'ai celui de ma moman et popa!
biz
Rédigé par : christine | 09 janvier 2008 à 17:13
ahhhh ! que j'aime ce billet ...et le 13e.. et cet endroit aussi : ) mais ce n'est plus à prouver ...
Rédigé par : emilie | 09 janvier 2008 à 18:03
je me sers des baguettes comme une italienne; ça me fait rire
Rédigé par : brigitte | 09 janvier 2008 à 18:37
Sacré Thierry! C'est vrai que c'est une expérience assez dépaysante, et que ça se mange bien, mais ce n'est quand même pas très raffiné.
Mais je trouve que pour le prix d'un repas chez Mc Do ou dans une autre mauvaise chaine de fast food on a quelque chose de plutôt correct, qui impressionne souvent les gens la première fois qu'on les y emmène.
Rédigé par : Chrisos | 09 janvier 2008 à 20:01
Ah ! le charme asiatique ;-) ce billet m'a donné envie d'aller bruncher à chinatown. A moi Dim sum et cie...
Rédigé par : Deli | 09 janvier 2008 à 21:07
J'avais entendu beaucoup de bien de ce resto, j'y ai donc dîné hier soir d'une "spéciale", je ne suis définitivement pas amatrice de Pho, quant aux épices dont tu parles, je ne crois pas les avoir discernées dans mon bouillon.
Pour revenir au XIII, je te recommande le porc au caramel de chez "Sarawan" av d'Ivry ou le tout simple mais très efficace "porc émincé et grillé" du Hawai dans la même avenue.
Rédigé par : Kate | 09 janvier 2008 à 21:33
Merci à tous pour vos commentaires et suggestions d'adresses dans le 13ème, définitivement un arrondissement où creuser son sillon...
Mais d'autres aventures sont à suivre.
Mlle E > Le nom que tu cherches c'est Higuma, et c'est japonais. J'ai filmé là-bas mais pas encore eu le temps de dérusher et monter...
Chrisos > Allons mon ami, pas de sectarisme... ;-) Il ne faut pas bouder son plaisir même si, effectivement, il n'est pas d'un raffinement extrème. Et je suis bien d'accord avec toi, pour moins de 10 €, c'est épatant. Il existe tellement de manières agréables de se passer du McDo finalement...
Rédigé par : Thierry Richard | 10 janvier 2008 à 09:51
J'ai fait une tournée des cantines asiat' du 13e qui servent vite fait-bien fait de bon phô... Le Phô 14 reste ma meilleure planque. Le Bambou est plus un restaurant qu'une cantine, service moins rapide et peu aimable.
Beaucoup de jeunes clients ici, quoi de plus normal ? Les grands bouillons asiatiques (phô viet ou lamen japonais) sont parfaits pour les budgets serrés : un dîner complet pour moins de 10 €, cela défie toute concurrence !
Très sympa la vidéo, bon choix de ne laisser qu'une musique couleur locale en fond sonore.
Rédigé par : Aude | 10 janvier 2008 à 10:40
Bon, Thierry, depuis le temps qu'on parle de déjeûner, il faut que je t'emmène dans ma planque à Pho (qui n'est ni le 14, le Bambou !)
Rédigé par : Mr Lung | 10 janvier 2008 à 13:45
...mais bien sur que je t'y emmènes !
Très bel article Thierry :)
Rédigé par : rosalie | 10 janvier 2008 à 15:57
Et bien, il y a la queue dans le 13ième pour Monsieur T, je prendrai donc le prochain train si c'est possible...j'ai hate de visiter la prochaine gare de billets doux! bonne soirée, grrrrrrrrrrrrr!
Rédigé par : Sand | 10 janvier 2008 à 17:47
Pho14 reste le meilleur endroit pour manger bien et rapidement. Surtout vu la bouffe (et la tête) de la fac à coté.
Rédigé par : Ludo | 10 janvier 2008 à 18:24
...et depuis, j'y suis un jour sur deux !
Et dire que tu vas passer à côté d'un merveilleux coréen... *soupir*
Rédigé par : gé | 10 janvier 2008 à 19:23
Et c'est quoi cette version symphonique de Hong Kong Garden de Siouxsie & the Banshees ? C'est par String Quartet ?
Rédigé par : Mr Lung | 11 janvier 2008 à 16:49
Miam Miam, la bonne soupe Pho! J'adore! Ici, j'ai trouve quelques bons restos a Chinatown.
Rédigé par : Anne | 12 janvier 2008 à 23:27
Miam Miam, la bonne soupe Pho! J'adore! Ici, j'ai trouve quelques bons restos a Chinatown.
Rédigé par : Anne | 12 janvier 2008 à 23:27
Miam Miam, la bonne soupe Pho! J'adore! Ici, j'ai trouve quelques bons restos a Chinatown.
Rédigé par : Anne | 12 janvier 2008 à 23:27
Le truc avec les restos asiatiques du 13è c'est qu'il y en a tellement qu'on ne sait pas lequel choisir, et quand on ne connait pas de spécialiste, c'est chaud d'en choisir un bon ;)
Rédigé par : petitsushi | 13 janvier 2008 à 22:04
Je suis un habitué de Tricotin, et des Olympiades dans ce quartier. Je vais aller tester cette nouvelle adresse, pour ses nouilles riz ;-)
Rédigé par : [ma][nu] | 16 janvier 2008 à 12:56
Je conseille à tous les amateurs de bonne nouilles, une adresse moins connus, mais que je préfère personnellement et où vous n'aurez pas à faire la queue !
Au "Palais cristal" 18, rue Philibert Lucot, à 100m de l'avenue de Choisy. Prenez une soupe de nouille Pékinoise et vous m'en direz des nouvelles !!
Rédigé par : Abriko | 01 juillet 2008 à 18:36
j'irai tester le pho 14
pour moi, le meilleur est le Pho de la Tonkinoise, 20 rue Philibert Lucot. Meme prix aussi, copieux avec plein d'herbes fraiches! En général, les plats de ce resto sont tous excellents et pas cher (foi d'une vietnamienne)
Rédigé par : al | 02 décembre 2008 à 23:09
Bonsoir. Le "pho 14" n'est pas mauvais, mais c'est loin d'être le meilleur de Paris. Les succès lui a un peu tourné la tête, la file d'attente permanante ne garantit pas toujours la qualité, et peut inciter au relâchement : alors, ça dépend des jours... Les herbes sont parfois un peu disons, lasses, le soja jaunasse, et le bouillon, variable, mais c'est un peu normal. C'est bien plus frais chez Bambou, notamment pour les accompagnements (mais encore plus inaccessible, et le service est trop expéditif), et il y a des endroits un peu partout qui valent cette cantine, qui reste néanmoins sympathique et imbattable en termes de prix.
Mais c'est une note intéressante, qui fait connaître cette soupe qui vaut largement un McDo et qui est, au contraire de l'avis de certains ici, comme toute la cuisine vietnamienne, très raffinée.
Rédigé par : ericparis11 | 21 décembre 2008 à 01:11
Le "Pho" est un plat extrêmement connu en Asie, que l'on ne se lasse pas.
Ton article est vraiment bien décrit et détaillé :) On peut manger le "Pho" dans n'importe quel saison, malgré la chaleur qu'il peut faire, on ne peut pas refuser un Pho ;)
Rédigé par : Laura | 01 juin 2010 à 15:49