C’est un bien étrange mélange qui, au final, fait d’un simple restaurant une véritable « bonne adresse », un endroit où le temps s’écoule avec bonheur et où, seul critère définitif in-fine, on a envie de revenir, et pas seulement parce qu’il est au pied de notre escalier les jours de dernière minute.
Mais il faut en pousser des curseurs avant d’y arriver : le quartier, l’emplacement, le décor, la fréquentation, le service, l’assiette, le prix… Un vrai casse-tête. Un mix diabolique. Ils sont d’ailleurs bien rares les endroits qui atteignent les 10/10 à tous les étages. Le plus souvent, on compose, on accepte, bon gré mal gré, les compromis, une addition un peu trop corsée, une déco sans esprit, des nourritures à peine plus qu’acceptables… On louvoie, on panache, toujours un petit quelque-chose en mode mineur et on fait avec.
Mais croyez-moi, le vrai critère, le seul sur lequel on ne transige jamais, celui qui rattrape souvent les autres, remonte la pente à force de bonté, de gentillesse et de simplicité, c’est le service. Une amabilité non feinte (cela se sent tout de suite), un sourire, une oreille attentive et prévenante et voilà les bases posées, les fondations bien disposées pour y accueillir tous les sucs d’une soirée agréable.
Il est des tables qui ont ce talent de monter d’un cran la chaleur des rapports humains tout en ne mégotant pas sur les autres critères. Ce ne sont pas forcément les plus connues mais souvent les mieux remplies. La Cuisine, dans le 7ème arrondissement parisien, est de celles-là.
Dans un rayon d’action où l’on trouve pêle-mêle Le Divellec, Il Vino, Petrossian et Thiou, La Cuisine se pose avec discrétion sur l’une de ces larges avenues bordées d’arbres centenaires qui descendent posément vers la Seine. Le décor est raffiné, une grande salle aux tons ocre, doucement moquettée, contemporaine, à l’éclairage duveteux soigneusement étudié, garnie de tableaux et lithos modernes et cernant un bar de bois brun précieux, en rotonde, où trônent quelques immenses bouquets de fleurs fraîches. Les tables, nappées de blanc et joliment dressées sont larges (nombreuses tables rondes comme on les aime pour des dîners bouillonnants) et très convenablement espacées ce qui est d’un luxe appréciable, malheureusement de plus en plus rare.
C’est donc dans cette ambiance chic, calme et sans tape à l’œil que Christine Duboscq et Jean-Vincent Selles, tous deux anciens du George V, ont posé leurs valises, leur cuisine et leur bienveillance, à l’abri des regards perturbateurs de la dernière mode.
On s’y réjouit d’une cuisine plutôt sophistiquée, classique et vive, emmenée à la pointe du fleuret par le chef Sébastien Blettery, passé par La Tour d’Argent, le Pré Catelan et un détour dans les Vosges à Gérardmer, le temps de décrocher sa première étoile. Il ne faut cependant pas chercher ici, et c’est sans doute l’esprit tranquille de ce quartier où se côtoient ministres, vieux aristocrates, familles bourgeoises et nouvelles icônes télé, trop d’innovation turbulente, mais plutôt une cuisine de belle facture, respectueuse des usages, adepte des beaux produits toujours frais (gibiers, poulet de Bresse, homard, saint-jacques, langoustines…) et exécutée avec précision.
En témoignèrent pour nous ce soir-là des Champignons des bois en cannelloni dans une crème de cèpes, combinant une suavité extrême, le contraste de texture des champignons croquants et de la pâte tendre et un parfum de sous-bois subtil comme une chasse de petit-matin, puis un Filet de turbot rôti, risotto aux deux riz et fumet de langoustines au jus corsé, aux cuissons parfaites et aux petits légumes en joyeux contrepoint désordonné, puis pour clore la séance, un Cannelloni au chocolat blanc et griottines de Fougerolles, sauce au chocolat chaud d’une langueur terrible, doux et chaud comme une grasse matinée d’automne.
En faire-valoir doré, croquant et frais, nous passâmes tout le repas en compagnie d’un Puilly Fumé 2006 d’Hubert Veneau, de toute beauté. Il faut d’ailleurs savoir que la carte des vins de La Cuisine, superbement construite (on trouve son bonheur entre 25 et 100 €), est due à Eric Baumard du George V, vice-champion du monde des sommeliers en 1998, ceci expliquant sans doute cela.
Mais si les prix restent relativement raisonnables, surtout si l’on sait tenir la rampe des menus, si l’endroit est d’un charme tranquille et les nourritures fort bien faites, c’est avant tout la gentillesse infinie de nos hôtes qui, à chaque fois, me transporte. Et me fait revenir. Il n’y a pas de secret…
La Cuisine
14, boulevard de La Tour Maubourg
75007 Paris
Téléphone : 01 44 18 36 32
Ouvert tous les jours sauf samedi midi
Réservation conseillée
Menu Déjeuner à 28 ou 35 €
Menu Carte le soir à 34 ou 42 €
A la carte, comptez environ 60 €
Très engageant, tout ça ! Je note... :)
Rédigé par : Kaplan | 22 février 2008 à 10:30
La Tour de Babel? Le septième ciel?Non, aucun secret lorsque la gentillesse est de nature...dans l'essence.Merci comme d'hab.
Rédigé par : Sand | 22 février 2008 à 17:24
Voilà qui pourrait donner envie d'y retourner...
Je n'ai fait cette adresse qu'une seule fois (voici 2 ans), très mauvais souvenir : service à la rue, cuisine sans intérêt et assaisonnements ratés, bref, ce n'était certes pas cher mais malheureusement pas bon non plus.
A refaire donc.
Rédigé par : Laurent (GoT) | 25 février 2008 à 14:45
A ce prix là, c'est donné ! Excellente adresse, pour un prix parisien raisonnable : on voudrait en faire sa cantine !
Rédigé par : Gendraud | 13 décembre 2009 à 01:15