L’époque a ses têtes. Ses lubies et ses obsessions. La bouche pleine de mots en « isme », de mots en « tion », la tête farcie de modèles, d’héritages et de supposés progrès. Elle nous balance en pluie d’encre noire à la une de ses journaux sa mondialisation, ses compétitions, ses people en promotion et renifle bruyamment si l’on détourne la tête. Elle nous abreuve sur écrans plats de ses faits divers, nous remplit l’oreille de ses engins communicants, elle nous veut mobiles, disponibles, efficaces, dociles.
Mais on n’est pas tenus de rentrer dans son jeu. On peut même, assez facilement somme toute, en corriger les règles à son avantage et prendre les lieux communs du moderne à rebrousse-poil. Développer une fine stratégie d’échappatoire, remplir ses tonneaux de poudre d’escampette et y allumer la mèche. Laisser le siècle s’étourdir de sa propre vitesse et s’extasier devant sa performance. Et doucement prendre la tangente. Fuguer.
Car rien n’est plus jouissif, plus délicat et plus entier plaisir que de s’extraire du monde pour, l’espace d’un instant, d’un jour ou d’une vie, prendre le temps de se la couler douce. Enfin se tourner vers soi, ses envies et ses désirs profonds et s’accorder le privilège ultime d’y succomber. Ce peut être trois fois rien (ça l’est souvent et c’est toute la beauté de la chose) mais quel bonheur de s’arrêter pour enfin ouvrir les yeux sur ces menus plaisirs que la vie nous offre sans demander de monnaie en retour et que les œillères du vacarme ambiant nous empêchent le plus souvent de voir.
Marcher pieds nus dans l’herbe, écouter la radio en voiture tout en suçant des bonbons, s’arrêter le nez en l’air et contempler longtemps la course des nuages, déboucher une bonne bouteille pour cet ami que l’on n’a pas vu depuis des lustres, ouvrir un livre sous le tilleul d’un jardin public, laisser courir un regard sur les jambes d’une femme ou les mains d’un homme, rêvasser au comptoir le temps du petit noir du matin, cuisiner en bras de chemise et la cravate sous le tablier, écouter un disque les fenêtres ouvertes sur un ciel de printemps, embrasser l’être aimé la main derrière sa nuque, prêter l’oreille au silence et à la pluie, glisser la main sur les courbes fraîches et lisses d’une statue de bronze, retrouver dans un caramel tout le goût de l’enfance, dormir tard, se lever tôt, ne rien faire du tout…
Certes, ceci n’a rien d’une grande ambition, et c’est même voir le monde à travers un trou de souris. Mais c’est sans doute indispensable. Essentiel, comme une nouvelle hygiène, l’hygiène des petits plaisirs.
Speedster 356 ? Cabriolet 356 B, C ? Monsieur à de plus en plus de goût. Non en fait ce n'est qu'une preuve de plus que Monsieur à du goût. Rien d'autre à ajouter. @ +++
Rédigé par : Pierre-Jean | 17 juin 2008 à 23:23
Croquer dans un macaron, respirer l'odeur du Jasmin, sentir le vent sur son visage, marcher pied nu dans le sable, observer la courbe des nuages, regarder l'Autre sourire, se glisser dans un bain, se dire que l'on s'aime, chanter, faux, mais chanter... Enfant, nous les vivions pleinement, la maturité venue nous les avons oubliés. Mais ils sont toujours là, à porter de main. Alors, oui arrêtons nous et prenons le temps de les retrouver, tous ces petits plaisirs qui rendent la vie plus sucrée.
Rédigé par : azur | 18 juin 2008 à 20:44
Merci Thierry pour ces quelques lignes illustrent parfaitement mon état d'esprit du moment. Prendre le temps d'en perdre et de le voir passer sans vergogne, se laisser aller à écouter sourdre ses envies... autant de promesses de petits bonheurs égoïstes qui vont constituer le fil conducteur de cet été qui se fait attendre ! Ca me fait un réel plaisir de les lire en rentrant de vacances, on se sent moins déphasé.
Rédigé par : Mr Lung | 20 juin 2008 à 10:55
et lire le temps d'un moment la plume de Thierry dont je suis amoureuse (de la plume évidemment):-)
Rédigé par : Thaïs | 20 juin 2008 à 18:16
Pierre-Jean > Nous partageons les mêmes valeurs.
Azur > C'est tout à fait ça. Il faut juste garder les yeux et la tête ouverts.
Mr Lung > Welcome back ! Un atterrissage en douceur donc ?
Thaïs > C'est adorable c'est sûr, mais un peu exagéré je pense. En tout cas, c'est ma plus belle récompense que de partager ces petits bonheurs qui sont autant de petits plaisirs de lectures pour ceux qui aiment. Donc, merci !
Rédigé par : Thierry Richard | 21 juin 2008 à 12:54