Il lui fallait se lever très tôt. Même s’il n’y avait pas d’école ces jours-là. Partir au travail avec son père, les yeux lourds d’un sommeil encore proche, monter dans son auto et finir la nuit le front collé à la vitre froide de la voiture. Il filait vite dans les rues de la ville encore déserte. Une fois arrivés, après la visite rituelle du bureau paternel, on rassemblait les enfants dans la cour pour le départ. Les filles et les fils des collègues de son père. Il en reconnaissait certains, en ignorait d’autres. Mais aucune grande amitié, de celles qui marquent et cheminent tranquillement à vos côtés des années durant, ne naquit de ces journées de "centre aéré". Se voir une fois par semaine, ce n’était pas suffisant.
Puis le car démarrait, retraversait Paris à son tour pour les conduire, dans un brouhaha allant crescendo, vers le lieu où il devrait passer tous ses jeudis de l’année scolaire (car il fut un temps pas si lointain où le jour de repos des écoliers était le jeudi). Il aimait voir le jour se lever à travers les vitres de l’autocar, les lampadaires s’éteindre, les maisons peu à peu s’espacer et le vert devenir plus présent. Jusqu’à ce centre aéré qui leur semblait si lointain, alors qu’il n’était sans doute qu’à quelques dizaines de kilomètres de leurs foyers.
Mais aucun souvenir de ces jeudis n’est pour lui aussi fort que le moment où les enfants interrompaient leur course ou levaient leur pinceau pour le goûter. Ce n’était pourtant rien, on sortait sous le préau de gigantesques sacs bruns de boulanger autour desquels tous se pressaient, et ils recevaient, à tour de rôle, dans une joyeuse pagaille, leur dû, une large tranche de pain et quelques carreaux de chocolat. Impossible, bien des années plus tard, d’oublier le goût réconfortant de ce pain à la croûte craquant sous les doigts en de larges écailles, à la mie blanche, épaisse et dense. Impossible de se débarrasser de la sensation de douceur trop sucrée de ce chocolat, pourtant sans doute assez médiocre. C’était le point d’orgue de sa journée. Une cerise sur le gâteau de son insouciante liberté d’alors.
Le goût d’une enfance disparue en quelque sorte.
Pour les amoureux, les nostalgiques, les revanchards du goûter, un groupe Facebook est né pour la réhabilitation chez les adultes de ce moment si particulier. Un blog lui est également consacré d’où j’ai extrait cette modeste contribution mais où vous trouverez aussi celles de David Abiker (anticonformiste), de William Réjault (touchant), de Violette (sensuelle), d’Arnaud Duhem (so palace), de Capucine (tradi-tradi) et bien d’autres. Alors si cela vous tente, prenez la plume et rejoignez-nous !
Je n'ai jamais cessé de sacrifier à ce repas trrrrrès important. Si je n'avale rien vers 5 h, je me retrouve à 6 sur les rotules, la mine grise, le muscle mou et les neurones en déconfiture.
Merci donc pour la découverte du blog sur le goûter.
Rédigé par : Philippe | 29 décembre 2008 à 11:23
Mon goûter n'a pas d'heure, il est l'âge de l'entre-temps. Je dirai vers la quarantaine, cet oasis sans frontières, cet espace où l'on croque la vie du regard, sur le manège enchanté, bien au centre de tous ces rayons de soleil, picorant la graine de Vénus, avant de ressortir...décrocher la lune, celle des 80 ;)! J'ai comme la tête qui tourne dans le parc du Grand Goûter !
Très sympa comme idée!
Rédigé par : LoveSand | 29 décembre 2008 à 12:51