Une belle époque, quatrième roman de Christian Authier (Prix Roger Nimier en 2006 pour Les liens défaits), est un livre des temps passés. Plus ou moins proches mais passés. Tout d’abord parce que le livre relate l’épopée fictive d’une jeune bande de pieds nickelés de la politique au début des années 90. Et ensuite parce que le ton et les manières de l’auteur évoquent immanquablement une certaine littérature des années 50, menée tambour battant, au galop des Hussards dont on le sait friand.
Nous sommes donc en 1994. A un an des présidentielles, le narrateur, jeune journaliste désinvolte, se voit contacté par un ancien condisciple de Sciences Po qui lui propose de constituer autour de lui une petite équipe œuvrant dans l’ombre pour servir les ambitions nationales du maire d’une grande ville de province (jamais nommée mais sans doute rose et chère à Nougaro).
Il y a plusieurs choses savoureuses dans ce roman de Christian Authier. Sa galerie de portraits tout d’abord, une bande de joyeux drilles mi-éminences grises, mi-zozos de Sciences Po, vraisemblablement plus heureux de monter des coups et d’en descendre ensemble que de la cuisine politique à laquelle ils donnent la main (« Nous étions les enfants de Jeff Porcaro et de Bastien, de Bernanos et du portable, du cinéma et de De Gaulle, du vin qui apaise et des filles qui électrisent, de vieilles postures et de l’argent facile. ») Puis la juste description d’un milieu politique en pleine mutation où le mélange des genres (politique, communication, humanitaire…) devient monnaie courante, avec ses ambitions, ses coups tordus, ses enveloppes de billets, ses revirements et autres manipulations. Et encore la peinture si précise et impertinente du petit milieu d’une grande ville de province avec ses lieux de rencontre, ses bars, ses fêtes où se mêlent petits bourgeois, notables et personnages interlopes. Et au milieu de tout cela une resplendissante histoire d’amour. Le tout servi par un style pétillant et classique flirtant cependant parfois avec le suranné (« ma dulcinée », « les pimbêches », « le bougre »…)
On regrettera enfin l’abondance confuse des personnages politiques secondaires rendant par moment la compréhension difficile (s’il s’agit d’un roman à clés, le trousseau en est vraiment trop garni) et le manque de rythme de l’ensemble. Mais cela ne retire finalement que peu de choses à ce plaisir de lecture à contre-courant des temps présents.
C’est d’ailleurs ce qui en fait tout le charme.
Une belle époque
Christian Authier
Stock
297 pages
19 €
Cette chronique est issue du Magazine des Livres n°13, actuellement en kiosque, dans lequel vous retrouverez également, dans ma rubrique "Une vie d'écrivain", un long entretien que j’ai eu la chance d’avoir avec l’académicien français Jean Dutourd.
Simple curiosité : sur un livre à 19 euros, combien touche l'auteur ?
Rédigé par : Sand | 04 décembre 2008 à 12:20
Sand > Tout dépend de la "notoriété" de l'auteur en question, cela va grosso-modo de 5% à 10%. Voire un peu plus pour les superstars de l'édition...
Rédigé par : Thierry Richard | 04 décembre 2008 à 12:23
Ok, merci!
Rédigé par : Sand | 04 décembre 2008 à 12:40
Sais-tu aussi comment se ventile le reste par hasard?
Rédigé par : Sand | 04 décembre 2008 à 12:42