C’était il y a deux ans, ou trois, je n’ai pas de mémoire, nous étions à Londres en février, ou mars, je ne me souviens avec exactitude que du ciel bas enfumé et des pulls fins sous la veste. On en avait parlé dans les journaux. La Saatchi Gallery avait empoigné son porte-voix, déchaîné ses public relations, placardé tous les murs et décrété depuis son phare d’avant-garde le tant espéré « retour de la peinture ». Preuves à l’appui : une exposition prétexte d’où l’on avait banni installations et video, concept art et multimedia, pour se retrouver face à face avec la peinture et assister, essoufflé, au rutilant « Triumph of Painting ».
Nous revenions de l’autre rive, de la Tate Modern dont l’immense cheminée de brique recevait en plein ciel une pluie d’aiguilles. Pas de parapluie. Les cheveux qui collaient sur le front, les épaules trempées. Et au bout du pont, auprès des bords verdis de cendres de la Tamise, l’accalmie derrière une vaste colonnade en arc de cercle.
Il avait fallu se délester au vestiaire, se réchauffer rapidement dans l’air bruyant d’un sèche-mains avant de s’engager dans les couloirs de bois sombre. C’est là, dans un dégagement, entre les silhouettes en flaques phosphorescentes de Daniel Richter et la douceur perverse des enfants de Marlene Dumas que je l’ai vu.