Il n’y a pas de route pour y aller. Pas de plan, pas de GPS. S’y rendre est un voyage. Un voyage comme on n’en fait plus, vers un lointain que l’on prend le temps de rejoindre, à une si faible allure qu’elle rend la distance perceptible, quasi-charnelle, comme un avant-goût des plaisirs à venir. Il faut prendre son temps et le bateau, se laisser bercer par le roulis et les toussotements du moteur diesel, débarquer sur les rochers aux reflets roses sous le soleil et marcher. Grimper serait plus juste, tant la côte est escarpée. A peine un passage entre les pins maritimes, les chênes et les pierres, comme une veine irriguant de sang frais la maison au bout du chemin.
C’est en général lorsque le souffle se fait plus court, le sac de toile encore sur l’épaule, qu’elle apparaît au détour du dernier bosquet. Sèche et raide, un amas de pierre sans âge, des fenêtres aux volets de bois clairs, rabotés par le vent et le sel, on y est. On avance alors au milieu des aiguilles, dans l’odeur des pins et de l’eau de mer, dans la lumière poudrée d’un soir d’été vers sa petite porte restée si longtemps fermée.
On ne vient pas y chercher le confort. Les pièces sont à peine meublées, la cuisine est d’un dénuement exemplaire, les chambres cultivent des allures de cellules cisterciennes, on a quitté la civilisation. La roche est partout, la lumière éclatante et les ombres épaisses aussi. La table de pierre du jardin (peut-on appeler cela un jardin) est le lieu des conversations, mais on n’y est jamais très nombreux. Sur la terrasse, une toile blanche tendue comme une voile abrite les lectures dans le silence rayé du chant des cigales. A moins qu’on ne préfère l’ombre des arbres aux troncs cabossés.
Le seul luxe ici est invisible au premier regard. Il faut pénétrer la maison, traverser les pièces, monter quelques marches pour ressortir plus loin, sur une vaste terrasse de pierre où l’on a creusé un bassin d’eau limpide qui domine l’azur et les flots en contrebas. Une belle piscine comme seul joyau. Un solitaire. Le soir venu, on y allume des bougies sous le ciel criblé d’étoiles. La musique y est douce. On y dort parfois sur des coussins. Jusqu’à ce que la chaleur terrible du matin ne vous fasse cligner des yeux.
C’est une maison rêvée. Où l’on vit pieds nus. Au jour le jour.