Elles doivent être nombreuses ces tables de l’ombre. Celles qui font le boulot, proprement, du net et sans bavure, mais sans esbrouffe aussi. Celles dont on se refile l’adresse sous le manteau, car elles n’intéressent pas les échotiers de la popote. On y mange très bien pourtant mais elles seront toujours trop ceci (modeste, classique, éloignée…) ou pas assez cela (trendy, jolie, nouvelle, moléculaire…) pour faire la une des gazettes ou des blogs à gogos.
Vous voyez bien ce que je veux dire, je suis même sûr que vous en avez une paire dans votre manche en cas de coup dur. Des tables d’amis, discrètes, fiables, loin de la mode et des flonflons épuisants, un peu à côté de l’air du temps (il change si souvent de direction), bien calées dans vos agendas.
Prenez Les Fougères de Stéphane Duchiron par exemple. Ici on creuse un sillon. Bien droit, profond, labouré avec soin et sans précipitation. Du Millet sans l’austérité. Du Corot. Voilà. Ça ne fait pas de bruit. Comme si le chef dressait ses assiettes sur la pointe des pieds. Comme si le maître d’hôtel égrainait les plats de ses menus le pied sur la sourdine. Pas envie de déranger le pli de la nappe en coton, d’ébrécher la porcelaine de l’assiette. Juste envie de bien faire.
Nous étions quatre ce soir là, pas une femme croisant ses jambes sous la table, de solides appétits en poche et des envies de gibiers et de plats chaleureux. Le froid, vous comprenez. Alors nous avons ratissé large, multiplié les escarmouches et torpillé la carte : « Croustillant de gibier aux fruits secs et jus corsé », « Fricassée de cèpes de Corrèze, œuf mollet et chorizo Bellotta », « Canard Colvert rôti et confit au lard d’Auvergne », « Pavé de biche cuit au sautoir aux oignons doux violets », « Epaule de lièvre de Beauce à la cuillère, râble rôti au lard fumé et sauce royale », sans oublier quelques desserts pas farouches (« Chocolats noirs grand cru et cacao en trois façons », « Petits pots de glace et sorbet, madeleine tiède au miel »). Du sombre, du sauvage, de l’épicé, du sévèrement bon, des calories en ascension vertigineuse (le froid, vous comprenez), puis un calme d’après-tempête et une unanimité ravie autour de la table.
Seule ombre au tableau (de chasse), un menu ultra réduit, avec deux entrées et deux plats seulement mais qui vous scie par son savoir-faire et une carte des vins un peu rudement tarifiée (une fatalité à Paris en ce moment).
Une adresse où je vous verrais bien emmener parents et cousins de Province tiens !
Les Fougères
10, rue Villebois-Mareuil
75017 Paris
Téléphone : 01 40 68 78 66
Ouvert du lundi au vendredi
Menu à 35 €
A la carte, comptez entre 50 € et 70 €
Plus de photos des Fougères, ici.
Hello Thierry,
Lundi dernier quand il faisait si froid, Carole, une amie rp, luxe et tout et tout, m'a fait découvrir dans le ventre de Paris une brasserie Les Crus de Bourgogne,rue des Bachaumont. De bonnes banquettes, du linge amidonné d'un blanc immaculé, un saumon (tout bête) cuit à la seconde près, moelleux et humide, une entrecôte persillée comme il faut, bref, le bonheur.
Plus tradi que Les Fougères, voire du patrimoine pur jus.
Rédigé par : laura annaert | 19 janvier 2009 à 23:24
Chronique fort sympathique qui retranscrit très bien le lieu.
On peut préciser que Stéphane Duchiron propose un menu dégustation à 60 €.
Le champagne c'est du Geoffroy !
Rédigé par : Geoffroy | 20 janvier 2009 à 09:00
la cuisine et le service étaient au top en 2006. ma compagne et moi furent cette année là "Fougères dépendants". depuis nous sommes partis de Paris. Le service et la cuisine = tip top. le rapport qualité / prix = très bon. Il me tarde d'y retourner voir comment l'endroit a évolué.
Rédigé par : Jerome CABANES | 23 décembre 2009 à 08:17