Chroniques du Plaisir

Wolfgang Amadeus Phoenix

L’album est sorti il y a quelques semaines et je sais déjà qu’il fera le trajet avec moi vers les cieux plus bleus des jours de vacances. Il s’appelle Wolfgang Amadeus Phoenix. Et le premier single Lisztomania, comme une preuve de (bon) goût. Tout le reste est à l’avenant et fait pour moi de Phoenix le groupe de rock le plus élégant du moment. So french. Mais en attendant l’autoradio poussé à son maximum sur la corniche, un petit clip du titre Rome, remixé par Lanny Merge et mis en images par le photographe suisse Germinal Roaux. Mille visages d’une jeunesse éphémère et touchante. Never young again. Et oui...

           

Flaveurs (Valence)

         

             

Ça n’arrive pas souvent mais quand ça arrive on n’est pas prêt de l’oublier. Tomber sur une pépite. Découvrir un tel talent qu’il vous écarquille les yeux et ramène une nouvelle fois la fourchette à la bouche, histoire de confirmer la première impression. Flaveurs c’est exactement ça, une divine surprise croisée au détour des rues de pierre de la vieille ville de Valence, un îlot de fraîcheur contemporaine dans la poussière des chaudes journées. Une salle aux dimensions modestes, des tables à la mise impeccable, rondes, disciplinées, sur leur 31 de design sobre et chic, arborant fièrement leurs chemins de tables couleur chocolat et leurs fleurs fraîchement coupées à la boutonnière comme un écho de couleur aux larges tableaux d’art moderne ornant les murs.

204

            

J’avais tout juste 20 ans et le permis de conduire. Nous étions la génération Isabelle. Tout le monde en connaissait au moins une. Celle-là (j’ai depuis oublié jusqu’à son nom de famille) était menue comme on peut l’être en pleine jeunesse. Elle portait de longs cheveux bruns, fins et raides, qui lui descendaient au creux du dos, de petits seins plats, elle avait le rire clair et les yeux d’un bleu déteint. Nous avions sympathisé sur les bancs de la première année, sans doute rapprochés par une même timidité audacieuse. Ses parents habitaient une maison en meulière dotée d’un jardin descendant en pente douce vers les eaux sombres de la Marne où nous faisions de la barque les beaux jours venus. On y mangeait des fruits sous la véranda. Son frère, plus âgé, étudiait l’architecture et nous allions parfois le soir l’écouter épuiser son tuba dans les rues de Saint-Germain-des-Près où il promenait sa fantaisie bruyante avec la fanfare des Beaux-Arts. C’est avec lui qu’elle partageait une vieille Peugeot 204 cabriolet blanche qui nous emportait parfois, le week-end, vers la Normandie. Les chambres d’hôtes sous les pommiers et le ressac sur la plage abritaient nos échappées. Je conduisais la voiture au retour dans l’air frais d’une allure insouciante qui nous semblait rapide pour l’époque. La liberté. La 204. Isabelle. Son souvenir m’est revenu ces derniers jours, avec le temps, le soleil écrasant, comme une bouffée de chaleur. Elle était douce et accueillante, vous réchauffait le cœur de son amitié qui n’en était peut-être pas. Je ne crois pas l’avoir jamais embrassée. J’aurais peut-être dû.