C’est une évidence, l’appétit a ses saisons. Il rugit en hiver quand l’été le ramène à un doux miaulement. Le froid exige des refuges où l’assiette ne joue pas les effarouchées, où la fourchette a du corps et les vins du caractère. On m’avait glissé à l’oreille il y a quelques temps l’adresse d’une des seules tables flamandes de la capitale, enrobée de mots exotiques comme waterzooï, kippers ou potjevleesh. Il n’en fallait pas beaucoup plus (juste le CV d’un chef passé chez Dutournier au Carré des Feuillants) pour y réserver un jour de gelées. Heureuse idée ! Un décor surprenant de bistrot chic des années 30 avec ce qu’il faut de murs jaunes, de pans coupés, de verres dépolis et de meubles laqués : on attendait Paul Morand à la porte-tambour et c’est Costes et Bellonte qui nous accueillent. Vous savez comme j’aime ces plongées souterraines vers les temps révolus ; cette époque de vitesse, de fêtes et d’acier anime en moi les feux d’une nostalgie particulière. Du coup, l’assiette n’avait plus beaucoup d’efforts à fournir pour assurer le succès de cette soirée si joliment démodée. Elle fut pourtant fichtrement vaillante et à la hauteur d’une faim de loup d’hiver : « Soupe de langoustines aux crevettes grises d’Ostende », « Terrine maison de venaison au foie gras », « Croustade de poule faisane au chou, sauce chataîgne », le tout arrosé d’un Crozes-Hermitage dense et volupteux (Domaine des Entrefaux – Tardy – 2007). On sentait une douce chaleur glisser dans nos gorges comme un feu de cheminée en pleine campagne. Aucune concession à l’air du temps, une clientèle ni jeune ni moderne, une étrange schizophrénie, loin de Paris sous la fourchette et tellement Paris (des années folles) dans le décor. Petit bémol sur les desserts qui réclament un peu de vigilance (« Café liégeois à ma façon » complètement à côté).
Il y a des adresses qui vous réconfortent. Celle-ci, en plus, vous dépayse à bon compte.
Graindorge
15, rue de l’Arc de Tromphe
75017 Paris
Téléphone : 01 47 54 00 28
Note aux amateurs : Superbe carte de bières
Fermé samedi midi et dimanche
Menu à 35 €
A la carte comptez entre 50 € et 60 €
Plus de photos de Graindorge, ici.
C'est magnifique!
Rédigé par : Sand | 25 janvier 2010 à 13:00
Ce billet m'a touché parce qu'il concrétise une adresse appréciée, et surtout, surtout, par je ne sais quelle coïncidence heureuse, le vin dégusté est un de mes préférés, dont quelques désormais rares bouteilles de 2006 attendent encore dans ma cave...
Rédigé par : Geoffroy | 25 janvier 2010 à 14:54
Je vais définitivement l'essayer. Love your blog!
Rédigé par : Ophélie | 26 janvier 2010 à 19:43
Cher Thierry,
Même si je sais que le samedi dimanche c'est tradition, tu ne postes pas, et que, oh, jamais je ne pourrais me plaindre d'une telle habitude et coutume, car, si RASSURANTE que toujours c'est comme ça, et que donc, jamais je ne m'en fais ni ne m'inquiète...
Je dois t'avouer, que malgré ce repos si attendu de ce samedi-dimanche, cette aire de jeu du plaisir sur laquelle je peux compter " tu es là et il ne se passera rien t'inquiète pas lecteurs ", ...
Arrivée le dimanche soir : " si tu savais combien il me manque d'arriver au lundi ", et pourtant, tu me diras, le lundi, personne jamais ne l'espère...rends-toi compte que " parce que, l'habitude " et bien, toi, Thierry, il me plaît d'y arriver mon ami.
Car, ce samedi-dimanche, tu m'as appris, petit à petit, à apprivoiser, à reconnaître, ce que devait être, un samedi-dimanche, coute que coute...
Je t'embrasse.
Rédigé par : Sand | 31 janvier 2010 à 23:59