Il cultive un look de bucheron canadien, chemise à carreaux, tignasse effilochée, barbe naissante et jean épais. Pourtant Olivier Adam est l’un des écrivains les plus sensibles de sa génération. En témoigne son dernier livre, Le cœur régulier (Editions de l’Olivier), prolongement naturel des thématiques chères à l’auteur de Des vents contraires (2009 – Prix RTL-Lire), la douleur, la fuite, le deuil, placés cette fois dans une géographie nouvelle, au cœur du Japon.
Sarah, mère de famille aisée, a perdu son frère dans un accident de voiture. Un frère écorché-vif, brouillon, exaspérant, touchant, un de ces inadaptés de l’existence que l’époque broie avec conscience. Le soupçon d’un suicide rôde insidieusement. Pour en avoir le cœur net et, sans doute, pour des raisons plus obscures et intimes, Sarah quitte tout et prend l’avion pour le Japon. C’est là-bas que Nathan avait fait son dernier voyage. Voilà donc notre narratrice dans une petite station balnéaire nippone aux falaises à pic qui, l’anecdote est véridique et la trouvaille romanesque remarquable, attire inexplicablement tous les candidats au suicide du Japon. Adolescents, couples en crise, hommes d’affaires exsangues, tous viennent chercher ici la crête rocheuse d’où ils feront disparaître leur existence dans les flots. Mais un ange veille sur ces âmes en peine. Natsume Dombori, un vieux flic humaniste, les arrache pour un temps à leurs tentations morbides, leur offre sa patience et son toit pour les remettre en route. Bien sûr Sarah croisera son chemin, en apprendra plus sur son frère mais surtout, au final, se découvrira elle-même.
On prend un grand plaisir à retrouver Olivier Adam et ses personnages en clair-obscur, qui ne sont jamais des héros et que la vie malmène. Il a ce talent rare de les rendre attachants sans verser dans la caricature ni dans la sensiblerie. Il reprend ici le procédé qui lui avait si bien réussi dans A l’abri de rien et se place avec justesse dans les inflexions d’une voix féminine en écrivant son roman à travers les yeux de Sarah. On savait Olivier Adam attentif aux lieux, aux atmosphères et aux cieux changeants. On le retrouve ici en écrivain paysagiste, nous rendant les décors japonais apparents et clairs. Le Japon est là, on le voit (« cèdres au tronc vêtu d’une ceinture de bambous, plaques votives, papiers pliés multicolores, guirlandes, singes de tissu aux pieds et poings liés »), on le respire (« une odeur de brûlé flotte dans l’air salé »). Sa dimension mystique permanente imprègne toutes les pages. Mais l’auteur de Passer l’hiver est aussi, et surtout, un écrivain de l’âme, des cœurs tourmentés. Il sait en rendre perceptibles les plus infimes mouvements et suit avec précision et délicatesse le monologue intérieur, sentimental, de sa principale protagoniste. Avec elle nous cheminons, souffrons, réfléchissons, ressentons, nous abandonnons et comprenons finalement que rien n’est vraiment tel qu’il y paraît.
On se plaira également à goûter quelques trouvailles stylistiques donnant encore plus de relief au texte, modulant le tempo du récit, comme ces énumérations aux virgules disparues, telles de longs travellings. Ce cœur régulier est un très beau livre, émouvant, profond, sans affectation ni facilité, un livre important. Un livre profondément humain.
Le cœur régulier
Olivier Adam
Editions de l’Olivier
232 pages - 18 €
oui c'est cela, un roman profondément humain...
Rédigé par : Flora | 28 novembre 2010 à 22:11