Il régnait ce soir-là, à notre table, une sévère mélancolie. La fatigue et
la tristesse peignaient nos visages. C’est étrange comme le chagrin d’un ami,
même tu, se répand dans l’air comme un méchant brouillard. Nos humeurs étaient
sombres comme un Rembrandt. Nous avions pourtant décidé de dîner dans une de
nos adresses préférées, chez Racines, au fond de ce passage des Panoramas aussi
peu éclairé que nos pensées (souvenez-vous). Pierre Jancou a cédé son affaire
pour filer sous d’autres soleils, mais l’équipe est restée et tient la maison
solidement arrimée à son excellente réputation. Elle ne fut d’ailleurs jamais
démentie au fil de nos assiettes. Avec des Saint-Jacques admirables de fraîcheur
et saisies à la perfection, un foie gras maison juste poivré comme un coup de
tonnerre sur un champ de blé en plein été, un canard de Challans croquant comme
une friandise et sa purée aux herbes d’une onctuosité d’ambassadeur oriental et,
enfin, un plat qui vous guérit de toutes les langueurs, des ris d’agneau selon
l’humeur du chef (ils n’étaient pas à la carte) avec des poireaux crayon et une
légère émulsion mousseuse : splendide d’équilibre et de générosité dans
les saveurs. Bien évidemment, les vins (dont j’ai oublié depuis tous les noms,
car chez Racines, en la matière, il faut se laisser prendre en mains) n’ont pas
dépareillé. Merci donc à David, Sven et Erwan de nous avoir, quelques heures durant,
revigoré l’âme.
Lorsque, plus tard, j’ai regardé les photos prises ce soir-là, elles reflétaient
étrangement bien l’atmosphère de cette soirée en clair-obscur. Rembrandt je
vous disais.
Il y a de ces coïncidences.
Racines
8, passage des panoramas
75002 Paris
Téléphone : 01 40 13 06 41
Fermé Samedi et Dimanche
Comptez (tout de même mais cela les
vaut) entre 50 et 70 € avec les vins
Plus de photos de Racines, là.