Il est tard, je sors rôti d’un dîner au Cristal de Sel, la langue en miettes d’avoir trop parlé, et avec l’idée fixe d’un rapide retour à mes draps beiges sous les toits.
Paris étincelle dans une nuit d’après la pluie. Ce n’est sans doute pas très prudent à cette heure avancée et sur cette chaussée fuyante de buée et de feuilles mortes, mais je tire un peu plus encore sur la poignée d’accélération. Le vent glacé me griffe le cou et le bourdonnement du casque devient un long sifflement. C’est à ce moment-là que je la croise des yeux, bien planquée sous son abribus.
En une poussière de seconde (je dois décidément rouler un peu trop vite), je perçois sa silhouette, son allure, et l’objet qu’elle tient fermement en main avec ce qu’il faut de nonchalance, mêlée toutefois de l’assurance un peu crâneuse de celles qui ont vu le loup et l’ont finalement muselé. L’aplomb de celles qui mènent le jeu et connaissent par cœur toutes nos directions.
Immédiatement, d’anciens emballements jusque-là oubliés me reviennent en mémoire. Des coups de cœur, des coups de chaleur, des coups… Une fille aux cheveux sombres, très courts, aux jambes tendues d’aiguilles et à la poitrine sanglée de cuir, ici. Une autre au visage en noir et blanc, peau de lait et yeux charbonneux, avançant son bustier de princesse baroque à la lumière vacillante des chandelles, là.
Alors, je freine. Et je détaille.
La voici donc, marchant d’un pas décidé vers on ne sait où, revenant d’on ne sait où, cavalière audacieuse, déterminée, sanglée, bracelée, gantée et bottée, avec juste ce qu’il faut de perversion, une cravache longue comme un baiser de cinéma, de longues jambes élancées que couronne une paire de fesses fermes et rondes d’écuyère slave.
Mais plus que ces détails, c’est l’image entrevue à vive allure, et donc fatalement un peu rêvée, un instant plus tôt, que je retiens en redémarrant. Celle d’une fine ombre de cuir noir moulé tenant dans sa main l’objet de son plaisir. Ou du nôtre.
Car c’est là toute la question…
Très joli... et comme quoi tout tient à bien peu de chose dans ce monde :
> Alors, je freine. Et je détaille.
Une consonne, et tu déraillais. Pour notre plaisir tu es resté en selle. Et puis, une moto sans sel ca rime à quoi ? Ca rime à rien.
Rédigé par : tilly | 19 novembre 2007 à 10:23
très bien écrit, je crois toutefois que je vais m'empêcher de chercher réponse à mes questions ;)
Rédigé par : poutchi | 19 novembre 2007 à 10:38
Et tu l'as senti?
Rédigé par : Mlle E | 19 novembre 2007 à 10:39
Premières phrases déposées ici, vous que je lis depuis longtemps et voici que vous parlez de mon parfum, une effluve apprêtée qui sent le cuir, la peau raffinée.
Je lui ai concédé mon sillage, comme l'aveu d'une sensualité à fleur de peau, d'une féminité toute assumée, d'une parcelle de soi(e) crée par le dieu du voyage.
Merci de me faire partager vos vibrations, je vous suis des yeux en souriant.....
Rédigé par : Claire | 19 novembre 2007 à 11:06
Well done !
Rédigé par : Benoît Wagner | 19 novembre 2007 à 11:24
Waou! Que répondre à tant d'érotisme, je ressens ce parfum sans même en entendre une odeur, c'est waou! waou! waou! waou!waou!Oh my god!Ca chavire la calèche...
Rédigé par : Sand | 19 novembre 2007 à 11:52
S'il y a plaisir il est automatiquement partagé comme d'un tour de magie, ça s'entremèle de deux égos de désir pour enfin n'en sortir qu'un du haut chapeau du conducteur. Pour discuter parfum, j'ai souvent tourné entre Opium et Angel et au milieu, lorsque je suis indécise ou indésirable je flotte souvent Cacharel dont tous les parfums de ce nom me réconfortent en général assez bien. Sinon, quand rien n'est là, paraît-il que ma peau se suffit à elle-même,hihi!
Rédigé par : Sand | 19 novembre 2007 à 12:40
Monsieur Thierry a les Senteurs vagabondes et subtiles. Par contre je ne suis pas du tout sûr d'être d'accord pour l'usage du fouet et de la cravache. @ +++
Rédigé par : Pierre-Jean | 19 novembre 2007 à 14:51
Je ne suis pas d'accord non plus avec cet usage là!Mais c'est une réaction légitime lorsqu'on est réactionnaire qu'il nous faut contrôler à un bien meilleur usage une fois détendue, cet article et ces commentaires sont d'une sensualité exemplaire!mouhaaa!
Rédigé par : Sand | 19 novembre 2007 à 16:36
Tilly > Très savoureusement remarqué. J'adore !
Poutchi > Sage décision... ;-)
Mlle E > Non, juste imaginé en la circonstance.
Claire > Très heureux de vous lire enfin. Et merci pour ce sourire lointain...
Benoît > My pleasure.
Sand > C'est la puissance de l'imagination. La votre en l'occurence. Et la mienne parfois.
Pierre-Jean > Très joliment dit, merci. Pour le reste, allez donc savoir...
Rédigé par : Thierry Richard | 19 novembre 2007 à 17:34
Bonjour Thierry, je fonds littéralement de vos trois petites phrases, elles ressemblent à trois fleurs tendues d'un bras bien droit à l'horizontal et perpendiculaire, un angle bien droit dans une géométrie parfaite de degrés bien pesés. Vous êtes donc gentleman, charmant, poète et aujourd'hui je découvre aussi que vous êtes équilibriste mais dites moi, vous êtes une alchimie à vous tout seul? Vos parents doivent être de très bonnes âmes, saluez les de ma part...C'est bien étrange les balances des relations entre les gens, quand certains gagnent les autres perdent. Moi, par exemple, ces temps-ci, ressemblent à un deuil, pas celui de la mort que j'ai vécu le temps avant la dite grossesse gourmande de moi-même, disons quand quelques mois j'ai du faire comme une révolution concentrée, bref, je me comprends et c'est pas bien grave si les autres..., oui, donc je reprends de vous parler, je suis donc en ce moment en deuil de naissance, en perte innocente et inconsciente mais visible, je perds du poids à vue d'oeil, le désir m'échappe aussi sauf parfois comme ici, l'argent s'assoit prés de moi sans bouger, les amants deviennent des amis car je ne les aime plus, mes enfants me regardent m'endormir, voilà, un calme étrange m'enveloppe tout doucement, et je n'en souffre pas, je suis juste envahie d'une agréable tristesse comme dans un champ de pâquerettes. Je vous remercie du plus profond de mon coeur pour vos merveilleux mots si beaux.A bientôt Cher Thierry.
Rédigé par : Sand | 20 novembre 2007 à 11:41
Sympathique ce petit blog, je ne connaissais pas. Merci google !
A tout bientôt ;)
Rédigé par : Amylee | 20 novembre 2007 à 12:05
Très jolie note, à l'image de mademoiselle (Mme ?). J'avoue avoir fait quelques pas en marche arrière la première fois que j'ai vu cette affiche... Avant de reprendre mon chemin. Allez fouette cocher ;-)
Rédigé par : [ma][nu] | 27 novembre 2007 à 02:30
Hummm... réminiscence et espoirs suggéré(e)s délicieusement pour des instants sûrement émouvants, exaltants.
Un parfum, une image ... que de pièges pour capturer les émotions, pièges qu'il nous arrive parfois de trouver par hasard en un instant fugace. Et qui libèrent ainsi leurs captives sans crier gare.
Ne soyons pas réservés : de même qu'il n'est pas toujours nécessaire de boire un grand vin, mais seulement de le prendre en bouche, il n'est pas indispensable de faire usage de l'instrument pour exalter les sens, en apprécier la caresse, le velouté, l'ivresse, n'est-ce pas ?
Décidemment, vous appréciez les instants capiteux.
B
Rédigé par : Petite fr@nçaise | 10 décembre 2007 à 08:54
bien vu, bien écrit. Bravo
Rédigé par : emmanuelle | 14 décembre 2007 à 09:50