Il y a toujours quelque chose de délicat dans la chronique d’une nouvelle adresse. On avance sur la pointe des pieds, en éclaireur des possibles plaisirs à venir, un peu tremblant tout de même à l’idée de ne pas rendre vraiment compte de ce que sera l’endroit dans quelques semaines, lorsque, après les à-peu-près et la nappe raidie, la peinture sera définitivement sèche.
C’est pour cela que je rechigne un peu à vous livrer mes toutes nouvelles couvées, assez souvent de moyenne altitude ces derniers mois, il faut bien le reconnaître. Et à moins que l’expérience soit suffisamment odieuse pour me chatouiller la bile (un bel exemple d’agacement ici), je reste le bec clos. Mais heureusement pour vous, comme toutes les règles, celle-ci souffre de notables exceptions.
Celle d’aujourd’hui s’est amarrée dans une impasse solitaire, à quelques encablures de la place de la Bastille, et est signée d'un joli trio emmené par Laurence Voiturier, anciennement associée du Ramulaud avec Gilles Bénard (aujourd'hui à la barre des Zingots et de Quedubon). Ouverte depuis à peine deux semaines, je peux, pour une fois sans frémir et craindre l’erreur judiciaire, lui prédire quelques beaux wagons de mangeurs enthousiastes.
Cela s’appelle « Les Côtelettes ».
C’est écrit sur la vitrine, sur le menu, sur les cartes de visite : Les Côtelettes – Bistrot. Tout est dit, et se confirme dès la porte poussée : le carrelage en nid d’abeille, les tables de bois sans nappe et leurs jolies serviettes rayées, les chaises de bistrot, les pierres apparentes à la blancheur de cave, les miroirs et la collection d’affiches anciennes Byrrh, tout est raccord avec l’esprit bistrot-parigot, ne manquent à l’appel que la fumée de cigarette et les tables trop serrées, on ne s’en plaindra pas.
Les Côtelettes – Bistrot. Tout est dit, oui, mais vous le savez aussi, c’est au fond de l’assiette que revient le dernier mot. Et franchement, ici, ce dernier mot pourrait bien être bon, très bon même ! Tout est inscrit sur l’ardoise, le seul carton que l’on vous tendra de toute la soirée étant la carte des vins, futée et joliment troussée. Un choix réduit mais avec ce qu’il faut de jugeote, cinq entrées (entre 6 et 10 €), cinq plats, dont un poisson (entre 17 et 21 €), un seul fromage (Morbier au lait cru à 7 €) et quatre desserts (entre 5 et 7 €).
On démarre ce dîner tardif avec l’appétit en bandoulière, sur un Emincé de canard mariné au gingembre pour mon comparse (aux anges dès la première bouchée) et des Filets de maquereaux au vin blanc pour moi. Une belle assiette presque trop généreuse pour une entrée, des petits légumes croquants (carottes) ou fondants (ail, oignons), une belle brassée d’herbes pour la fraîcheur et deux filets de maquereau à la chair tendre et suave comme un premier baiser. Nous accompagnons le tout d’un Saint-Véran 2006 de Collovray et Terrier, frais, vif et tranchant. Mais le vin étant la vieille marotte du patron nous ne pouvions être déçus, mon compère, bourguignon qui plus est, en étant ce soir là le meilleur juge.
Pour rester dans le mood vin blanc, il a d’ailleurs choisi d’enchaîner avec une Andouillette 5 « A » au vin blanc (ça ne s’invente pas) tandis que je passe le grand braquet sur un Filet de bar, risotto aux citrons, pas de quoi surcharger mon compte en banque calorique. Le Bar est cuit comme il se doit, servi à bonne température dans une assiette chaude et ouvre son cœur à l’étalage, doux et fondant en larges morceaux nacrés. Le risotto quant à lui est en demi-teinte, pas assez cuit à mon goût, trop ferme et croquant, mais le goût y est, gentiment acidulé mais sans exhubérance.
Conclusion des débats sur un Délice du vieux garçon (ça ne s’invente pas non plus), des fruits secs marinés dans de l’eau de vie, servis en soupe et accompagnés d’un petit gâteau aux amandes. C’est fort. Et généreux. Je n’en viendrai pas à bout avant minuit.
Sur le trottoir luisant des soirs de pluie, on relève les cols, une dernière poignée de mains, la première et la dernière cigarette de la soirée vite avalée avant le taxi, un sourire complice sur l’au revoir et la certitude d’avoir mis la main sur une belle adresse pour les mois qui viennent.
Les Côtelettes – Bistrot. Tout est dit.
Les Côtelettes
4, impasse Guéménée
75004 Paris
Téléphone : 01 42 72 08 45
Ouvert du mardi au vendredi, midi et soir
Et le samedi soir
A la carte, comptez autour de 35 €
Hello Thierry
c'est bien que ty sois alle.
on parle de ce nouveau bistrot dans le guide lesrestos.com
http://www.lesrestos.com depuis vendredi14 mars.
ton avis est toujours précieux aux gourmets.
Rédigé par : alain | 18 mars 2008 à 11:26
Il ne me serait pas venu à l'idée d'y entrer. Merci pour le plan !
Rédigé par : Mr Lung | 18 mars 2008 à 13:16
Alain > Toujours en tête, rien ne t'échappe ! ;-)
Mr Lung > On me paye même parfois pour pousser les portes que d'autres ne poussent pas... ;-)
Rédigé par : Thierry Richard | 18 mars 2008 à 15:17
Espèce de... euh... critique subventionné :p
Rédigé par : Mr Lung | 18 mars 2008 à 17:58