Pierre Bourgeade, écrivain foisonnant dont la courtoisie à la ville contrastait avec l’apparente monstruosité de certains de ses écrits, a tiré sa révérence le 12 mars dernier, à 81 ans, dans une relative indifférence. C’est bête, mais du coup, l’envie terrible de lire Ramatuelle son dernier ouvrage paru chez Tristram en 2007 et qui m’avait sournoisement glissé entre les mains, m’a saisi. Comme un ultime hommage de lecteur à cet auteur si prolifique, si protéiforme – il fût tout à la fois romancier, poète, dramaturge, photographe… – et si délicieusement subversif.
Ramatuelle est un livre court et dense, racé comme les lignes d’une berline anglaise, acéré comme la lame d’un rasoir, qui expose sous le soleil brûlant et parfumé de la Côte d’Azur les thèmes et obsessions chers à l’auteur des Immortelles (1966) et de Palazzo Mentale (1976).
C’est le début des vacances d’été. Françoise d’Elbée, 35 ans, mariée à un riche banquier parisien quitte seule l’appartement que la famille occupe sur les rives du Parc Monceau. Elle part en voiture pour Ramatuelle afin de préparer la propriété dans laquelle mari et enfants la rejoindront une semaine plus tard pour les vacances. Mais sur la route des Maures, à quelques kilomètres de sa destination, cette jolie jeune femme, sage, bien sous tous rapports, va faire une étrange rencontre. De ces rencontres qui, inexplicablement, changent le cours d’une existence, bousculent tous les préjugés, brouillent les perspectives bien établies. Et voilà Françoise basculant, sept jours durant, dans une vie sans entrave, laissant remonter à la surface ses émotions les plus souterraines, ses désirs les plus inavouables, jusqu’à ne plus se reconnaître elle-même.
Il y a dans ce livre toute l’équation subtile de Bourgeade, un résumé de tout son art, lui qui déclarait que « l’essentiel pour un écrivain est d'arriver au mystère par la clarté ». D’un récit vif et précis, tendu comme un fil d’acier, tranchant, troublant mais sans effet de style superflu, il fait surgir l’étrange transformation d’une femme qui réalise avec stupeur qu’elle n’avait jamais vécu jusque-là. Cette semaine de folie, de déraison, d’abandon même, dans laquelle le sexe et la violence joueront leur rôle de révélateur de l’intime, ne laissera pas indifférent (« J’aurais été chaude comme une vivante, obéissante comme une morte, l’idéal, paraît-il »).
Car s’il est dérangeant, Pierre Bourgeade nous renvoie avec ce texte à nos propres obsessions, nos désirs refoulés, nos noirs desseins, nos fantasmes enfouis, en mettant en scène des personnages loin de nous mais qui pourraient être si proches : « Il ferme les ciseaux un tout petit peu. Je sens le double tranchant de la lame sur mon sein. Je me mords les lèvres, je ne sais pas si je ne voudrais pas qu’il referme brusquement les ciseaux, qu’il me tranche le bout des seins ».
Servie par un style aigu, léger, simplifié à l’extrême et dépourvu d’artifices, l’intelligence de ce livre, écrit à la première personne (c’est Françoise qui raconte cette semaine hors d’elle-même), est d’éviter l’effet démonstratif. Le récit décrit de manière quasi-clinique les événements mais n’explique rien, laissant au lecteur le choix de ses propres interprétations sur l’attitude équivoque des divers protagonistes, interrogeant les âmes et consciences.
C’est sans doute, outre la beauté dépouillée de la langue (« Par moments, il y a des trouées entre les massifs, on sent la fraîcheur de la mer, à d’autres moments la route serpente entre les collines, l’air est subitement brûlant, lourd de parfums, il soûle ») ce qui fait que longtemps après avoir tourné la dernière page de Ramatuelle, on se surprend à penser à Françoise. Et à ce que cela signifie vraiment que de vivre.
Pierre Bourgeade
Tristram
98 pages - 14 €
Cette chronique est la reprise de mon article paru dans le n°18 du Magazine des Livres actuellement en kiosque.
Salut Gentleman!
Je vais te parler très perso puisque c'est seulement moi qui ressens peut-être ceci!
Cher Thierry, mon titi à moi ;) ! moi qui suis un gros minette peut-être pas très dans les normes, je le sais, mais, c'est comme ça, faut que je fasse avec!
Je tiens à te remercier, pour la faculté de de me tranquiliser, me réconforter, me détendre depuis tant de temps, à chacune de tes chroniques, me donner autant de courage et d'encouragements, oui, c'est bien toi, qui a autant de talent et de constance dans tes écrits pour, lorsque je me sens en chute libre, lorsque je sens la lassitude me gagner, le désespoir, lorsque j'ai envie de tout foutre en l'air, mon blog, etc..., c'est toi, qui sait trouver les mots, comme encore dans la rédaction de ce billet, ce jour, où, ce même jour, j'étais prête à supprimer mon blog en entier, détruire l'un après l'autre mes articles, une petite lueur, te lire ici dans la présentation de ce livre " ramatuelle", a fait starter!
Merci, merci d'autant de bien que tu es, mon très cher Gentlememan, un Homme Grand, merveilleux et formidable.
Merci beaucoup!
Rédigé par : Sand. | 11 juillet 2009 à 20:58
Sand > Cela me dépasse certainement. Mais j'en suis ravi. Et même plus.
Rédigé par : Thierry Richard | 12 juillet 2009 à 12:41
Très touchée allons donc, oui, très touchée de te ravir, moi qui me demande comment je peux t'être au mieux reconnaissante, te ravir et le - que je puisse faire.
Merci, bonne journée très cher!
Avec un " je t'aime moi non +, alors;)! "
Rédigé par : Sand | 12 juillet 2009 à 13:11
Voilà un livre juste pour moi. On dirait.
Et oui, merci aussi pour ces petites phrases de chaque jour. Prises une à une c'est une bouchée de chocolat, une truffe noire, une gorgée de champagne, du plaisir pur quoi.
Je pourrais tomber in love aussi.
Rédigé par : Solveig | 12 juillet 2009 à 19:06