Voilà des années que Benoît Duteurtre cultive avec gaité une douce nostalgie qu’il répand dans les pages de livres attachants. Il possède ce rare talent de moquer les travers de l’époque sans aigreur ni violence ; son air d’éternel jeune homme, son indécrottable politesse et son goût de l’opérette lui évitant les travers du vieux con. Cet admirateur de Marcel Aymé vient de publier Le retour du Général qui, après la parenthèse biographique des Pieds dans l’eau (Gallimard, 2008), renoue avec la veine romanesque de La petite fille et la cigarette.
Tout commence ici avec un œuf-mayo noyé de sauce industrielle dans un petit bistrot parisien. Les fonctionnaires de Bruxelles ont de nouveau frappé : impossible de se conformer à leurs normes d’hygiène et de continuer à cuisiner de la mayonnaise maison. Il n’en faut pas plus pour déclencher une de ces petites frondes dont naissent les grandes révolutions. Pétitions, manifestations, et arrive l’impensable : un soir apparaît sur les écrans de télévision, précédé de l’indicatif de Radio Londres, la silhouette trois étoiles et noir et blanc du Grand Charles : le Général de Gaulle est de retour !
S’ensuit une uchronie réjouissante et cocasse qui voit la France se donner corps et âme au héros libérateur, le gouvernement fuir à Bruxelles sous protection de l’OTAN, la Wallonie et la République du Mali rejoindre cette nouvelle France… C’est l’occasion pour l’auteur du Voyage en France (Prix Médicis 2001) de dresser un portrait savoureux du dernier grand homme que la France ait porté (ses mesures adaptés à la nouvelle donne économique et sociale en surprendront plus d’un) : révolutionnaire, leader de la NRF (« Nouvelle Révolution Française »), redonnant espoir à cette France des ronds-points, des zones commerciales et du Pôle Emploi. Mais au grand bond en avant de Mao, répond ici le grand saut en arrière du Général. Benoît Duteurtre peint donc avec amusement une France de carte postale, autosuffisante et apaisée, tournant le dos à l’hygiénisme forcé, aux directives draconiennes bruxelloises, à la croissance et au profit frénétiques.
Il croque au passage quelques portraits attachants des ralliés au vieux sage, les « vraiment gaullistes » : des paysans vosgiens, un infirmier beur, son fils à barbiche, une bourgeoise énergique et à la bonne humeur contagieuse... On suit avec gourmandise ce retour d’un président qui paye ses factures, roule en vieille DS et rabroue ses supposés héritiers politiques (Jacques Chirac en tête) ayant détricoté le gaullisme à chacune de leurs décisions. Mais le mystère demeure : qui est vraiment ce revenant ? Un général de 120 ans ? Un de Gaulle cryogénisé version Hibernatus ? Un imposteur ? Et l’ennemi qui guette aux frontières le laissera-t-il achever son œuvre de redressement et d’indépendance ?
Les pieds dans la tradition et la tête
dans les nuages, Benoît Duteurtre, cet optimiste désenchanté, livre ici une
fantaisie tendre et impertinente sur laquelle souffle paradoxalement un air de
liberté retrouvée qui n’est pas sans évoquer mai 68. Le Général aurait
apprécié.
Le retour du
Général
Benoît Duteurtre
Fayard
219 pages - 17,90 €
Bonjour,
On voit toujours la face d'un livre quand on le présente, j'aimerai tellement voir aussi le côté pile pour lire le résumé choisi de l'auteur.
Es-ce trop demandé que cette option ? Es-ce parce que celà ferait ombrâge au Présentateur, ou Autre...?
" Le Général aurait apprécié. " Je trouve ceci-dit cette phrase de chute parfaite Gentleman !
Rédigé par : Sand | 07 juin 2010 à 11:53
Que dit-il lors de son come-back? C'est la chienlit? Mais, si l'histoire recommence, après que la France se soit toute entière donnée au Général, que se passe-t-il?
Rédigé par : Mme de Thil | 07 juin 2010 à 13:03
Bonjour,
Je viens de te découvrir. J'en suis heureseuse. Merci Elise de m'avoir fais découvrir le blog de Thierry !
Sophie
Rédigé par : Sophie | 10 juin 2010 à 21:15