C’est un moment qui n’a rien d’anodin. Une
charnière. Qu’il s’agisse d’une décision mûrement réfléchie ou d’un coup de
tête, cela ne doit rien au hasard. Il y a cet instant où l’on décide de
basculer, où l’on juge que l’heure est venue de passer de l’autre côté de l’hiver.
Est-ce le soleil qui accélère le rythme de ses visites ? L’air plus doux
qui renvoie les chandails au placard ? Les rosiers animés d’une nouvelle
vigueur ? Ou plus simplement le retour de la jupe et des chansons légères ?
En tout cas, on se réveille un beau matin et l’envie est là. On entérine l’arrivée
du printemps : on change de parfum.
C’est ainsi que j’ai abandonné les effluves chaudes
et veloutées de Serge Lutens (j’ai pratiqué l’hiver durant un mélange personnel
de Chêne et de Santal Blanc) et la présence radieuse d’Habit Rouge de Guerlain
(mon parfum du week-end, indissociable des rumeurs de la campagne) pour plonger
dans la légèreté tendre et vive de mon Acqua di Parma. J’y reviens depuis des
années, dès les beaux jours ralliés. La première aspersion provoque en moi l’afflux
soudain de centaines de souvenirs ensoleillés. J’aime retrouver son jaune vif
et tranchant, à la fraîcheur bouton d’or, et ses notes fleuries, frivoles
comme un nuage qui fuit.
Alors, voilà, je vous l’annonce officiellement
: pour moi, le printemps est arrivé ce matin.