Chroniques du Plaisir

Coq Rico

Vous êtes plutôt cuisse ou plutôt blanc ? Plutôt Poulet de Bresse ou Géline de Touraine ? Pintade de Challans ou Pigeon du Poitou ? Après tout, peu importe. Vous aurez bien le temps de faire votre choix au Coq Rico, cette nouvelle adresse gallino-maniaque ouverte par Antoine Westermann (ancien 3 étoiles à Strasbourg) sur les pentes de Montmartre et toute entière dévouée à la volaille. Mais entendons-nous, ici on traite de la volaille de grande qualité, de l’animal à pedigree, pas du volatile blanchâtre à la chair molle et aux origines incertaines des supermarchés…

Il faudra donc monter quelque peu sur la Butte, jusqu’à rejoindre le Moulin de la Galette, pour trouver en manière de cabane contemporaine et chic (pierres blanchies, bois clair largement lambrissé, éclairages discrets) trois petites pièces flanquées d’un bar de granit solidement campé devant une rôtisserie crépitante, idéal pour le déjeuner (j’adore manger au bar). Et une très belle salle au fond, tapissée de bouteilles et pourvue d’une longue table d’hôte où vous pourrez sans problème organiser quelques dîners de grande tablée (6, 8, 10…) aux allures d’agapes dominicales.

Dans l’assiette, de la Basse-Cour de haute extraction donc, préparée avec le plus grand soin (pochée puis rôtie lentement) et servie entière pour 4 ou en portions individuelles que l’on peut accompagner au choix d’un cornet de frites maison, d’un gratin de macaronis ou de légumes de saison. On touche ici au meilleur en matière de volaille, les chairs sont tendres, goûteuses, la peau couleur de miel craque sous la dent. Et la carte décline tous les atours du poulailler (divins œufs à la coque et mouillettes au beurre de truffe, cœurs poêlés, gésiers confits, crèmes de volaille, terrines…) pour venir enfin titiller quelques pâtisseries (aux œufs bien sûr) telles ce Millefeuille au chocolat, en équilibre, léger et puissant.

Alors, vous l’avez compris, si la poule de luxe a vos faveurs, à Paris, c’est désormais ici que cela se passe. 

 

Coq Rico
98, rue Lepic
75018 Paris
01 42 59 82 89 

A la carte uniquement. Comptez entre 40 € et 60 €.

Ouvert tous les jours

Plus de photos de Coq Rico, ici.

C'était mon mois de Mars

L'Instant d'Or

Il y a des moments où la nécessite de séduire (un client, une femme, des beaux parents...) vous tire violemment la manche. Il vous faut alors un peu de luxe, un peu de chien, un service impeccable et l'assiette raffinée qui vous posera dès la première bouchée comme le fin connaisseur que vous êtes. Dans ces cas-là, le pire est de trainer vos hôtes dans les lieux rebattus de la clientèle affaire, lectrice des pages saumonées du Figaro : vous avez votre dose d'originalité aussi, non ?

Alors voilà l'adresse nappée de blanc, à peine ouverte, qu'il vous faut. L'Instant d’Or. A l'emplacement très convoité des anciennes Saveurs de Flora (Mikula), on a déposé, derrière une façade au noir mystérieux, un décor très contemporain mais chaleureux, entre blanc laiteux et velours bruns, un chef pas manchot (Frédéric Duca, marseillais d'origine, passé chez Passedat et Darroze) et beaucoup de savoir-faire.

Deux coups de cœurs à table : Bar de ligne en carpaccio avec crème d’huîtres et caviar de France (d’une fraîcheur émouvante dans sa décoration florale) et Spaghettis maison à l'encre de seiche et homard bleu (une merveille de douceur et de suavité, dans une assiette belle comme un tableau de Twombly). Sans oublier des desserts de très belle facture et d’une légèreté bienvenue au déjeuner.

Alors, si vous voulez parler contrats ou séduire une belle des beaux quartiers, pas d'hésitation, cette adresse est faite pour vous.

Préparez-vous toutefois (c'est la règle du jeu et cela le vaut) à une addition sérieusement balancée, chantant à tue-tête les louanges du triangle d'or et de la note de frais.

 

L’Instant d’Or
36, avenue George V
75008 Paris
01 47 23 46 78

 

Menus déjeuner à 42 € et 49 €
Menu dégustation à 98 €
A la carte, comptez une centaine d’euros

Fermé dimanche et lundi

Plus de photos de l’Instant d’Or, ici.

Belle d'Avril : Kelly Brook

La Table d'Aki

Parfois, on aimerait quitter la foule un instant et, le temps d’un repas, oublier Paris. Ces jours-là, on remercie le ciel d’être tombé sur une adresse comme celle-là.

Une salle aux dimensions de timbre-poste (16 couverts à peine), briquée comme un sou neuf dans sa blancheur virginale, donnant sur une petite cuisine ouverte aux quatre vents. Et au beau milieu de ce cocon de coton blanc, parmi les fleurs coupées et les assiettes de porcelaine, l’ombre affairée d’Akihiro Horikoshi. Seul aux fourneaux, seul en salle, une main sur la poêle, l’autre vidant son verre de Chardonnay, Aki est l’homme à tout faire des lieux, le soliste de ce petit concert de cuisine de chambre.

Dans l’assiette, du beau néo-classique affiné par plus de vingt ans passés à l’Ambroisie, dans l’ombre experte de Bernard Pacaud (triple étoilé Michelin) : « Galette de maquereau », aux saveurs puissantes, nettes et à la texture délicate, « Filet de lieu jaune poêlé, quenelles de tapenades aux deux olives » superbement cuit, nacré, d’une simplicité et d’une justesse épatante, « Tarte aux poires » un ton en dessous. De la simplicité tirée au cordeau comme une chemise de tailleur au tombé impeccable.

Aucun doute, Aki est là à son affaire, seul maître à bord. Et pour quelques trente euros vous pouvez embarquer avec lui. Ne vous en privez pas.

 

La Table d’Aki
49, rue Vaneau
75007 Paris
01 45 44 43 487

Fermé dimanche et lundi
Réservation conseillée (16 couverts, c’est vite rempli) 

Au déjeuner, compter entre 30 € et 40 €
Au dîner, menus à 38 € ou 45 € 

Plus de photos de la Table d’Aki, ici.

Culture Garage

La silhouette zébrée de soleil d’un pick up descendant les pentes de Frisco vous émeut ? La calandre rouillée d’une vieille 404 vous arrache des larmes ? Vingt ans plus tard, vous évoquez toujours votre première mob avec nostalgie et rêvez d’accrocher la compression d’une Fiat par César dans votre salon ?

Aucun doute le nouveau magazine Garagisme est fait pour vous.

Se voulant l’avant-garde de la « car culture », mélange (d)étonnant de bagnoles et d’art contemporain, Garagisme porte un regard nouveau sur la chose automobile. Un regard à la fois amoureux, artistique et sociologique. S’y expriment photographes, écrivains, architectes, artistes, tous passionnés par ces engins motorisés, à 2 ou 4 roues, peuplant notre quotidien. Ici, la séduction facile des dernières voitures de sport n’est pas de mise. On traque l’expérience du véhicule banal, parfois customisé à l’extrême, ce qu’il raconte de nous et de notre société. Les portfolios sont beaux, parfois déroutants et si le ton est volontairement intello, le plaisir de sentir l’acier, huile et la gomme se respire à chaque page.

Alors si vous passez avec aisance du garage à la galerie d’art, de l’huile de vidange à l'huile pigmentée des tableaux contemporains, vous savez quoi faire : ouvrez Garagisme.

 

Garagisme
Numéro Prototype (64 pages bilingues et couleur)
10 € 

Points de vente sur garagisme.com

Garage Lopez : le blog photo de Gilles Uzan, rédacteur en chef de Garagisme.

 

(Photos de Gilles Uzan, prises au Hasselblad 503 CW)

Les Crocs de l'Ogre

 

Amis végétariens, regardez ailleurs. Aujourd’hui, on parle barbaque en largeur, chairs crépitantes et rôties, mâles canines acérées. Car je vous ai dégoté un plat de bravoure, un plaisir carnivore devenu rare : un cochon de lait rôti, servi pour deux. Sans doute l’un des meilleurs de Paris.

Imaginez-vous ça. Dans un antre où la viande est à l’honneur, où l’on pousse l’obsession carnassière jusqu’à exposer sous vitrine les morceaux que l’on fait rassir avant de vous les glisser sur l’assiette, l’arrivée sur planche d’un morceau énorme, doré, ruisselant, parsemé de gros sel et de poivre du moulin. A vous le couteau de boucher et la fourche, à vous le plaisir de la découpe, ce petit bruit sec et cassant au moment où la peau délicieusement grillée, craque sous la lame. A vous les larges tranches, épaisses à foison, de chairs fondantes, sagement accompagnées de salade et de pommes de terre sautées (pourquoi chercher plus loin ?). A vous le régal d’un moment de gourmandise régressive, généreuse et solide. Ce contraste diaboliquement bon d’une peau couleur de miel, croquante comme un biscuit et d’une viande moelleuse et fondante comme une caresse.

Et s’il vous reste un peu d’appétit après tout cela (car si l’ardoise égraine « cochon de lait pour 2 », on peut facilement s’y retrouver à 3), le plateau de fromage de belle extraction, bien relevé en goûts, saura vous achever.

Alors, peut-on aller au restaurant, traverser tout Paris, pour le plaisir monomaniaque d’un seul plat ? Jouer la commande répétitive et univoque ? Oui, assurément. Aux Crocs de l’Ogre, vous avez rendez-vous avec le cochon qui sommeille en vous.

 

Les Crocs de l’Ogre
81, avenue Bosquet
75007 Paris
01 45 56 96 29

Ouvert tous les jours

Cochon de lait rôti pour deux (what else ?) : 65 €

Plus de photos des Crocs de l’Ogre, ici.

C'était mon mois de Février

Belle de Mars : Charlotte Rampling

Le Béguin

Il suffit parfois d'un rien. Un décor un peu passé à la mélancolie bonhomme. Des idées rigolotes, comme ce mannequin astucieusement installé en terrasse en tenue seventies ou ces photos de famille fleurant bon les classes moyennes de l'après-guerre. Une carte tranquille, modeste, filant doux sa partition des simples déjeuners entre ami(e)s : soupes, quiches, tartines, salades, plat du jour, tarte aux poires (le tout entre 5 € et 12 €). Des produits savoureux sélectionnés directement à la ferme et servis avec générosité. Un goût affirmé pour les produits introuvables et jolis, à l'image de ce soda russe aux fruits épicés, doux comme une retraite d'automne dans une Datcha de bouleaux (Wostok).

Il suffit parfois d'un rien. Un détail. Un coin de nappe à déchirer sur lequel on peut lire : "Ici, demain, à la même heure. Retrouvons-nous..." avec emplacement réservé pour y griffonner son numéro de téléphone. J'étais, ce jour-là, trop bien accompagné pour songer à y inscrire quoi que ce soit. Mais qui sait, un autre jour, peut-être...

 

 

Le Béguin
2 Rue du Cardinal Mercier
75009 Paris
01 42 81 58 20 

Ouvert tous les jours sauf le dimanche

Comptez une vingtaine d'euros.

Plus de photos du Béguin, ici.