Chroniques du Plaisir

C'était mon mois de Septembre

La cuisine de Vefa Alexiadou

Un dernier regard dans le rétroviseur de la vespa vers ces vacances d'été, perdues sur un rocher blanc au milieu de la Méditerranée. Un regard gourmand posé sur la Grèce donc, avec un livre épatant, tout juste édité par Phaidon, un livre référence : "La cuisine de Vefa". Faisant suite à deux ouvrages qui ne quittent pas les étagères de ma cuisine, "La Cuillère d'argent" pour la cuisine italienne et "1080 recettes" pour la cuisine espagnole, ce livre poursuit l'exploration en profondeur de ces recettes méditerranéennes qui nous enchantent.

Ouvrir le livre de Vefa, c'est entendre le chant des cigales, le ressac des vagues tièdies de soleil, le souffle du vent d'Eole. On en parcourt les pages comme on feuilleterait un album de vieilles photos souvenirs, emplies de villages perchés, de terres râpées, de cyprès au garde-à-vous, d'oliviers aux reflets verts d'argent, d'eaux limpides et de côtes déchirées de bleu vif.

Lire les intitulés des recettes, tourner les pages blanches et bleues, parcourir les photos des plats sentant bon le veau, l'agneau, le poulpe, le citron, le poisson grillé, les aubergines, le petit gibier, l'aneth, la feta et le miel. Se plonger avec délectation dans le préambule d'un voyage à travers les saveurs réputées des régions grecques, dont les noms sont des promesses, la Macédoine, la Thrace, la Thessalie, le Péloponnèse, les îles Ioniennes, les Cyclades, débordant vers la Crète et Chypre... La Cuisine de Vefa, c'est tout ça.

Mais on y trouve bien sûr et avant tout des recettes (plus de 330). Des plats pittoresques comme cette soupe du pêcheur grec (kakavia), préparée jadis à même le pont des caïques dans des marmites (kakavia) qui lui ont donné son nom, cette omelette de Pâques aux herbes, fromage, aneth et menthe ou cette tarte feuilletée au lait à base de pate filo pliée en accordéon. Et naturellement les recettes originales et pour une fois authentiques de ces plats archi-rebattus, le Tzatziki, le caviar d'aubergine ou la moussaka.

Vous avez dit Moussaka ? Je sens votre oeil friser et la salive poindre. Allez, soyons fou et généreux : Caroline (mon charmant contact chez Phaidon) vous en offre la recette originale made in Vefa. Cliquez ici pour la télécharger. Merci qui ?

La Cuisine de Vefa
Vefa Alexiadou
Phaidon
480 pages - 39,95 € 

Paris pour les hommes, enfin !

Ce 5 octobre est un jour particulier pour moi puisqu'il verra la sortie en librairie d'une petite chose sans prétention qui m'a tenu éveillé bien des nuits ces derniers mois et, parfois, éloigné temporairement de ces colonnes. Et oui, "Paris pour les hommes" (Editions du Chêne), mon premier livre, va venir dès aujourd'hui s'empiler sur les tables des libraires avant, je l'espère, de garnir les cheminées le soir de Noël. 

Ecrire un livre est une expérience formidable et éreintante. Heureusement, je fus bien entouré du talent de photographe de Juliette Ranck et d'illustrateur d'Aseyn, mes alter-ego artistiques qui, avec l'aide de Matéo Baronnet, notre designer, ont fait de mon petit texte un objet désirable et coloré. Qu'ils en soient tous remerciés ! Alors, de quoi s'agit-il ? Le mieux est encore de laisser la parole à la quatrième de couverture :

Enfin un guide de Paris pour les hommes ! Cela manquait, vous ne trouvez pas ?

Où dîner entre hommes ? A quel coin de rue regarder les jambes des femmes ? Chez qui se faire confectionner un costume ? Où déguster le meilleur hamburger de Paris ? Ce livre est mon carnet d'adresses intime, exigeant et forcément subjectif, tout entier tourné vers ces petits plaisirs qui font le miel de la capitale et les délices du style à la française. Adresses secrètes, artisans d'exception, lieux méconnus, moments rares, tables gourmandes, je ne vous cache rien.

Pour vous, j'ai même demandé à quelques Parisiens emblématiques, de Frédéric Beigbeder à François Simon en passant par Charles Dantzig et Nicolas Bedos, de dévoiler leurs petits plaisirs intra-muros, comme autant de friandises ajoutées à notre pochette surprise.

Voici donc, condensé dans ces pages, mon Paris. Un Paris des petits bonheurs. Le Paris que j'aime. Le vôtre.

 

Pour suivre l'actualité autour du livre, il y a désormais une page Facebook (cliquez sur "J'aime" en haut de la page).

Et ça commence dès ce soir avec un passage en direct sur LCI chez Michel Field. Pincez-moi.

Vivant

Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j’ai toujours eu un rapport très charnel avec la cuisine de Pierre Jancou. Est-ce dû à ce goût prononcé qu’il affiche depuis toujours pour les produits soigneusement sélectionnés et forts en saveurs ? Est-ce à cause de son goût précurseur et immodéré pour les vins naturels ? Est-ce la résultante d’une projection mentale liée à ces voyages qu’il effectue régulièrement en Italie et dans d’autres coins reculés à la recherche de producteurs d’exception ? Est-ce la conséquence de plats toujours généreusement servis en portions XXL ? Ou est-ce tout simplement dû à ces tatouages sauvages qu’il arbore le long de ses avant-bras de titi parisien ? Je ne sais pas vraiment.

Toujours est-il que, depuis Racines et aujourd’hui chez Vivant, Pierre Jancou est pour moi l’archétype du cuisinier (il n’aime pas le mot « chef » et il a bien raison) qui sait donner à ses assiettes un surcroît de sensualité généreuse. Dans la nudité, le dépouillement, d’un jambon « Fiocco di Culatello » ou dans la rondeur aguichante d’une assiette de pâtes « Rigatoni alla Norma », dans l’épaisseur saignante et vibrante de chaleur d’un canard (de Challans, forcément) ou dans les couleurs douces et croquantes des légumes d’Annie Bertin qu’il cuit à peine (c’est pour moi son seul défaut bénin à mon palais), je retrouve dans ses plats une forme d’animalité rustique, basique sans être simpliste, comme une cuisine ramenée à son essentielle volupté. C’est cette vie même que l’on retrouve dans ses vins paradoxaux, rares, aux saveurs qui semblent revenues de longs voyages, comme puisées à l’antique source du pressoir. En apéritif, un vin blanc « Les lèches 2008, de Gérald Oustric » (26 € la bouteille) légèrement perlant, croquant, fruité et d’une fraîcheur de fontaine toscane aurait suffi à notre bonheur. Il fut pourtant suivi d’un verre de Coteaux du Giennois 2005, de Mathieu Coste (25 € la bouteille) d’une agréable rondeur sauvage sur le canard.

Aucun doute, ce Vivant porte bien son nom, car, finalement, au fond de cette ancienne oisellerie de 1903 aux faïences superbes palpite un cœur. Celui d’une cuisine de saveurs affirmées et de bienveillance complice. Une cuisine charnelle.

 

Vivant
43, rue des Petites-Écuries
75010 Paris
01 42 46 43 55

Fermé samedi et dimanche

A la carte compter entre 40 € et 60 €

Plus de photos de Vivant, ici.

Belle d'Octobre : Bruna Tenorio

Cru

Si l'envie vous titille, soleil aidant, de vous la couler douce en plein air un de ces prochains jours de météo clémente, j'ai l'adresse qu'il vous faut : Cru.

Une terrasse planquée en plein coeur du village Saint-Paul comme une échappée provinviale aux couleurs acidulées, une clientèle qui doit approcher les 80% de féminité (un petit paradis donc) et le charme tranquille d'un endroit peu connu (à tort, mais c'est tant mieux). Cru, c'est une table aux dehors naturels, un peu écolo, un peu design, où l'on aime se retrouver au calme pour déguster des petits plats - crus ou cuits - d'une fraîcheur exemplaire. Car ici l'assiette est ruisselante de candeur, elle respire la spontanéité et la générosité de qui veut prendre autant soin du fond que de la forme. On y trouve donc une série de plats crus diablement malins et quelques spécialités chaudes tout aussi affutées pour les indécrottables.

Au rayon froid (qui eut ce jour de Printemps notre préférence) : "Coques en gelée de céleri et concombre", "Ceviche de cabillaud, mangue et passion", "Consommé de volaille au galanga et ravioles chinoises", "Tartare d'agneau au citron confit et cumin", "Tataki de boeuf au satay, salade de chou chinois", "Carpaccio de vitello tonnato"... Et un "Tartare de boeuf thaï" dépaysant, aux épices subtiles, qu'accompagnaient pour la circonstance des frites de patate douce d'une pudeur exemplaire, croustillantes et douces. Sans oublier le must d'un "Cheese-cake maison" aux fruits rouges, très réussi dans sa partition sucré/acide. Mais bon, allez, si le cru vous déconcerte, si vous voulez faire un tour par le réchaud, on vous servira aussi de très jolis plats, tels ce "Risotto à l'encre de seiche", cette " Côte de veau rôti à la sauge" ou ces "Calamar à la plancha au sésame et gingembre"... Dernier détail, mais qui pour moi a toujours son importance, les assiettes sont très joliment présentées et savent flatter l'oeil de leurs couleurs naturelles. 

Vous l'avez compris, Cru vaut le détour, la halte d'un déjeuner paisible. Alors, profitez-en vite avant le retour des grands froids !

 

Cru
7, rue Charlemagne
75004 Paris
01 40 27 81 84

Formule déjeuner à 19 €
A la carte, compter entre 30 € et 40 €

Fermé dimanche soir et lundi
(Attention, on m'a rapporté que la terrasse, toujours ouverte au déjeuner, fermait parfois en soirée.)

Plus de photos de Cru, ici.

J'Go

La coupe du Monde de Rugby, voilà une belle occasion pour vous dire deux mots d'une adresse que j'aime beaucoup et où souffle un vent de bonne humeur revigorante venu du Sud-Ouest, le J'Go.

Alors attention, que les choses soient claires : ici, on ne mange pas le petit doigt en l'air et les assiettes ont des rondeurs paysannes qui jurent avec les portions millimétrées qui font les beaux jours de quelques adresses en vogue. On y trouve des affiches de corrida et les aficionados vident leurs verres ensoleillés sous les cornes menaçantes d'une belle tête de taureau. Une table solide donc, bouillonnante et diablement sympathique.

Au menu de ces agapes aux gros bras : Garbure, Parmentier de boudin, Croustillant de pied de cochon, Chou farci, Agneau fermier du Quercy, Canard, Porc noir de Bigorre, Poulet de ferme gasconne... De beaux produits venus directement des fermes du Sud-Ouest (le premier J'Go a vu le jour à Toulouse), des légumes choisis, et une gigantesque rôtissoire qui déverse dans vos assiettes des pièces de viande rôties à point, comme ce Carré d'Agneau au gras croustillant et à la viande fondante. Délicieusement anti-minceur. Surtout quand la garniture se pose en haricots tarbais ou pomme de terre frites maison... Au J'Go, pas besoin de calorifère. Côté cave, les racines filent aussi vers le sud de la Gironde : Cahors, Minervois, Gaillac, Corbières, pas toujours de la plus grande finesse mais valeureux et francs, et à des prix très abordables (large choix à moins de 30 €).

Et il faut absolument y goûter l'ambiance festive des soirs de match ! Avis donc aux amateurs de ballons ovales. 

 

J'Go
4, rue Drouot
75009 Paris
01 40 22 09 09

Fermé le dimanche 

Menu à 35 €
Menu Déjeuner à 15 € ou 20 €
A la carte, comptez entre 40 € et 60 €

Plus de photos du J'Go, ici.

Bistro Volnay, ma planque 1930

Vous en avez nécessairement un - on en a tous -, bien rangé entre deux pages de votre carnet d'adresses, un ami de toujours, fiable, solide, répondant présent au premier coup de fil ; un ami que l'on ne voit pas très souvent mais dont la présence lointaine rassure. Le Bistro Volnay et moi, c'est un peu ça. J'y passe de temps à autres et je prends un plaisir extrème à retrouver ce qui en fait son charme à mes yeux.

Un décor années 30 très joliment recréé, chiné dans un esprit chic et parisien (on s'attend à y croiser Paul Morand déjeunant seul dans la salle du fond, son automobile rapide garée en double file), des assiettes au cordeau, jouant un juste équilibre entre tradition et modernité galopante et surtout la gentillesse de l'accueil de Magali et Delphine, ces deux jeunes femmes à qui, deux heures durant je confie mon appétit les yeux fermés. Elles ont l'oeil à tout et la délicatesse de ne rien en faire sentir, le souci du détail et la volonté farouche de satisfaire.

Le chef y a changé puisque l'ancien a volé de ses propres ailes au Bistrot des Gastronomes et si les notes sont un peu différentes, dans une tonalité plus contemporaine, la partition reste diablement bien exécutée : "Poulpe de roche taillé finement et mariné à l'huile d'olive, citron confit et boutargue", "Tourte rustique de caille de vendée", "Pigeon rôti au sautoir", "Coeur de ris de veau cuisiné au beurre demi-sel, fricassée de girolles", "Framboises et glace au mascarpone". Une légère montée en gamme vers des produits nobles culminant avec un "Homard bleu rôti en carapace" (avec supplément conséquent).

Impossible de ne pas souligner également une cave profonde, aux contours souvent classiques mais toujours pertinents (ah, ce Gevrey Chambertin 1er Cru de Denis Mortet - 2007 - suave et chaleureux), et un large choix de vins au verre. Là encore, laissez-vous faire. Et planquez-vous, seul, pour savourer tout ça dans la salle du fond, votre auto en double file.

 

Bistro Volnay
8, rue Volney
75002 Paris
01 42 61 06 65

Fermé les samedi, dimanche et lundi 

Menu à 38 € 

Plus de photos du Bistro Volnay, ici.

Vogue Fashion Night et Intérieurs 2011

Une drôle d'effervescence dorée s'était emparée de l'avenue Montaigne jeudi dernier. La Vogue Fashion Night y avait attiré une foule vibrante de curiosité, carillonnante de beauté auto-affirmée, désireuse de se frotter, une soirée durant, à ce que la mode parisienne produit de glamour et de mystère. Des invités privilégiés, carton en main*, cabotaient d'une boutique à l'autre, s'abreuvant de champagne et de conversations mondaines avant de repartir pour un bain de foule comme on se jetterait à l'eau pour un bain de mer et d'accoster ensuite dans un autre port scintillant marqué Chanel ou Dior. On y croisait quelques amis parisiens, beaucoup de wanabees de quartiers lointains ayant soigné les moindres extravagances de leur tenue pour attirer le photographe en goguette, des jambes à n'en plus finir, des cheveux odorants. Comme une plongée étrange vers des bancs de poissons exotiques. C'était charmant, un peu oppressant, vaguement vain.

Il n'en fallait donc pas trop. On se retira alors chez Artcurial où l'exposition "Intérieurs 2011 - L'art de vivre avec l'art" ouvrait ses portes. Un étage entier abandonné à l'inspiration d'architectes d'intérieur habillant chacun une pièce des murs de leurs fantaisies. Dix décorateurs à l'affiche (India Mahdavi, Olivia Putman, Roxane Rodriguez, Alain Demachy, François-Joseph Graf, Chahan Minassian, Pierre Yovanovitch, Jean-Louis Deniot, Laurent Buttazzoni, Joseph Dirand, Tristan Auer, Thierry Lemaire) et le sentiment léger et doux de se promener dans un monde parallèle, cinématographique. Sublimement beau, à force d'être irréel. Mes lieux préférés : la cuisine lunaire de Tristan Auer, le salon japonais de François-Jospeh Graf et la salle à manger aux murs de bois colorés et au sol en miroir de Chahan Minassian.

 

Sans oublier l'émotion de ce superbe couloir années 30 de Jean-Louis Deniot où l'on croisait en douce quelques divines échappées. La foule fashion nous semblait alors bien loin.

 

 

Intérieurs 2011
Exposition du 12 au 22 septembre, de 11h à 19h
Hôtel Marcel Dassault
7 rond-point des Champs-Élysées
75008 Paris

 

*Encore merci James pour l'abri de la Maison Loewe et de ses nectars effervescents.

C'était mon mois d'Août