Rien n’échappe à la modernité, à l’industrialisation et à la déshumanisation, pas même la fabrication de l’intimité de nos assiettes, « notre pain quotidien ». C’est en tout cas le propos qu’illustre le documentaire éponyme de l’autrichien Nikolaus Geyrhalter sorti le 14 mars dernier.
Fruit de deux années de travail, d’une immersion totale dans le monde de l’industrie agro-alimentaire contemporaine, ce film met en scène le travail et les techniques mises en œuvre pour tirer de la nature ce qui finira demain dans nos cuisines. Il braque une lumière crue mais très travaillée sur les arrières-coulisses de la production de nos nourritures ordinaires et nous force à regarder en face une réalité que nous préférerions ignorer. Celle de l’ultra-mécanisation et de l’intensivité de la production à laquelle nous a conduits notre surconsommation. Abattoirs, épandages, usines, vidage, triage, sélection animale, rien ne nous est épargné.
Pénétrant les lieux, sondant les âmes de ces nouveaux ouvriers à la chaîne dans un vacarme mécanique oppressant, Nikolaus Geyrhalter a aussi fait le choix d’une grande sophistication dans la mise en scène, choisissant avec soin ses plans fixes, ses lents travellings qui font ressembler le film à une œuvre de science-fiction, à mi-chemin entre « 2001 » et « La Terre vue du ciel ».
Le film est d’ailleurs présenté sans commentaires, sans dialogues et sans voix-off, laissant chacun libre de se laisser pénétrer par ces images nues, sans filtre, et de se faire sa propre opinion.
On en ressort secoué par une autre « vérité qui dérange », troublé par un spectacle dont on ne sait plus s’il faut en louer la beauté formelle – il se voit comme une œuvre d’art contemporain – ou admirer le courage et la clairvoyance du propos. Tout en réprimant à grand peine un fort sentiment de dégoût.
Ce documentaire, que je vous encourage vraiment à voir, est aussi un film militant, KMBO, le distributeur français ayant décidé de reverser une partie des recettes du film à des associations impliquées dans « la mise en place et la promotion d’une agriculture raisonnée et biologique ».
Louable combat.
Ouais.... Pour une fois pas mise en appétit (pas les petits poussins jaunes!!!!).
Rédigé par : Frogita | 31 mars 2007 à 17:59
Toujours pas vu! Surtout avec mes pamplemousses et mes oranges et tout le reste qui m'ont pris du temps. Une amie l'a vu, mais n'a pas pu tenir jusqu'à la fin...
Merci pour ta visite!
Rédigé par : menus propos | 31 mars 2007 à 22:21
et bien tu en as assez dit en ce qui me concerne, je n'ai pas envie de le voir.
Ca me suffit.
Un message est à faire passer en tout cas : rendez-vous chez vos voisins fermiers, petits producteurs et autres amateurs de la tradition et du goût.
Non à la grande distribution.
Bien sûr, pas facile quand on a une grande famille, que les enfants sont bombardés par des messages publicitaires tous plus énervants les uns que les autres, mais il faut savoir tenir bon, et ne pas céder. Ou quelques rares fois, faut quand même pas en faire des gosses "à part", dont on se moquera.
Ta démarche est belle, Thierry, il faut sensibiliser les gens. Leur rappeler. Encore et encore.
Rédigé par : Poutchi | 01 avril 2007 à 13:41
Vous avez raison, ce film est dur, mais c'est une réalité, elle existe et il vaut mieux, à mon sens, en avoir conscience que de fermer les yeux. Cette vérité ne peut aussi que nous encourager à aller vers plus de sagesse dans notre mode de consommation et le choix de nos fournisseurs, ce en quoi je te rejoins tout à fait Poutchi. Ce film souligne également toute la valeur du combat mené par certains de nos chefs dans la sélection de leurs produits et de nos paysans dans la défense de leur savoir-faire et de leurs terroirs (AOC et autres).
Rédigé par : Thierry | 01 avril 2007 à 15:31
J'ai très envie de voir ça également !
Rédigé par : lilizen | 01 avril 2007 à 18:19
Mon comm est hors-sujet (j’autorise sa suppression !). Sauf si l’on considère que le genre cinématographique du documentaire peut être un lien avec ton billet, Thierry.
« La consultation » est un documentaire saisissant d’Helene de Crécy, sur le quotidien d’un médecin (sans jeu de mot) généraliste lyonnais.
Dans le film aucun des vrais patients ne vient consulter le docteur P. pour un problème digestif ou un conseil diététique, ce qui m’aurait permis de me raccrocher au thème du billet. Mais tous sont de formidables témoins du mal de vivre en ville (et en campagne !). Le bon docteur ne nous cache rien de son immense désarroi, parfois de sa colère, quand il se trouve impuissant à soulager les fractures de l’âme et du coeur.
Attention, le film ne va pas être longtemps à l’affiche. Je l’ai vu ce weekend à l’Arlequin (Paris 06). Après il faudra attendre les passages télé.
Rédigé par : tilly | 04 avril 2007 à 17:29
Moi qui avait envie de légèreté ce soir, je suis "servie"...après avoir vu et lu votre article, je n'ai envie que d'une soupe !!!
Tant mieux...sourire...c'est bon pour la ligne...rire
Rédigé par : noir intense 35 | 10 avril 2007 à 18:56
Tu écris : "Le film est d’ailleurs présenté sans commentaires, sans dialogues et sans voix-off, laissant chacun libre de se laisser pénétrer par ces images nues, sans filtre, et de se faire sa propre opinion". Euh, je n'ai pas vu le film, mais dans la mesure où la bande-annonce est censée représenter l'atmosphère du film, il me semble que le film ne laisse pas chacun libre de se faire sa propre opinion. Ce sont des images à charge, pas objective du tout.
Et ce que je viens d'écrire ne témoigne en rien de mon désaccord par rapport au message du film...
Rédigé par : isarmel | 12 avril 2007 à 19:54
Tout à fait d'accord avec Isarmel. Ce film que j'ai pour ma part vu ne laisse aucune liberté dans l'interprétation. Le choix de n'avoir par exemple personne qui parle ni en off ni en on (dans le film) ajoute à l'effet de déshumanisation. De même l'image très léchée est très froide, encore de la déshumanisation. On est face à une véritable critique de l'industrie agro-alimentaire. Je ne suis pas contre la critique, je suis pour le fait que l'on montre comment ça marche (ça évite l'effet "soleil vert"), mais ne disons pas qu'il s'agit d'une vision objective, ça n'existe pas, surtout pas dans ce cas. J'ai vu un autre reportage sur la même thématique avec des images parfois même plus dures, mais les paroles des gens aidaient le spectateur à comprendre de quoi il s'agissait, la relation des éleveurs avec ces animaux...etc. Rien à voir, beaucoup plus intéressant !
Rédigé par : roif | 16 mai 2007 à 10:06