Ce n’est au début qu’un grondement étouffé et lointain, à peine perceptible jusqu’à ce que la lumière ne commence à vaciller. Le ciel s’assombrit et les ombres peu à peu s’éteignent, vaincues par une semi-obscurité laiteuse et brillante.
C’est alors que l’on commence à sentir le vent se faire plus insistant, qu’on l’entend souffler plus bruyamment dans les arbres, qu’on le voit bousculer les feuilles des pivoines, disloquer les roses passées, encore sur leur tige, dispersant sans dessein leurs pétales fanés aux barrières du jardin.
La chemise se met à claquer sur la peau comme une voile par gros temps, les cheveux s’ébouriffent, on sent au fond de soi comme l’imminence d’un petit drame anodin. Peut-être d’une libération aussi. L’air est encore doux mais on sent poindre comme une odeur humide, d’herbe mouillée ou de rosée du matin. Une soudaine fraîcheur inattendue et vive qui vous saisit.
On lève les yeux, la rumeur sourde se fait fracas et la course des nuages s’accélère subitement, ils passent sur nos têtes comme à bride abattue dans un ciel trop chargé de gris. C’est le signal de la débandade.