J’étais dans ce grand magasin chic de la Rive Gauche. Mes talons claquaient sur le parquet ciré, sombre et luisant. Les allées étaient désertées en ce début d’après-midi, je les voyais comme autant de larges échappées d’un grand parc d’où une rafale aurait dispersé les premières feuilles mortes de la fin de l’été. J’étais pressé. Mais je suis passé devant.
Vingt minutes plus tard et cent vingt-cinq euros de moins sur mon compte (tout de même), il était soigneusement plié dans son sac orange. Depuis, je ne le quitte plus. Enfin, façon de parler.
Car, bien sûr il y a sa coupe, parfaite, tombant avec élégance et rigueur, vous donnant une silhouette au cordeau, ajustée, pleine d’esprit. Il y a sa couleur aussi, un bleu profond, sombre, brut, aux reflets blancs pointillistes. La matière aussi, rêche, rigide, presque cartonneuse, on appelle cela de la toile japonaise, et cette raideur qui lui donne toute sa tenue. Il y a enfin cette discrétion de ceux qui sont sûrs de leur fait, pas de marque visible, juste, pour les connaisseurs, la mention « APC Fleurus près du Luxembourg » gravée sur le premier bouton.
Mais surtout il y a les règles d’or qui vont le rendre unique. Une discipline du jean. Improbable et rigoureuse : le porter le plus souvent possible pour en assouplir la toile, attendre des mois et des mois, vivre avec sans discontinuer et lorsqu’il est décidément trop sale, l’envoyer enfin au nettoyage à sec.
Et c’est ce que je fais, je le porte comme un animal qu’on apprivoise. Chaque jour il se fait plus souple, plus caressant, plus docile. Plus près de moi, singulier. Notre vie commune ne fait pourtant que commencer.
On m’a rapporté que Léo Chabot (de la boutique Colette) aurait tenu un an avant le premier nettoyage du sien, j’en suis loin, mais je trouve cette attente délicieuse. Un peu comme un bonheur qui se mérite.
Jean APC « New Standard »
125 €
Bonjour, tu viens ainsi de décrire ma vie, ma vitrine intèrieure, et, c'est remarquablement fait... du profond de mon coeur... que mon clavier en mesure toute la portée.
Rédigé par : Sandra | 19 septembre 2008 à 12:15
mère de famille dit : "quoi un an sans lavage !???" pour moi le jean ce sont les promenades dans la campagne boueuse, les galipettes dans les champs et les batailles de boules de neige...
Bon mais tout cela est si bien dit... (soupir..)
Rédigé par : Thaïs | 19 septembre 2008 à 12:44
Depuis que mes journées s'habillent d'un pantalon bleu pied de poule et de chaussures de sécurité, mon APC à moi m'attend sagement dans le vestiaire de la rue de Rivoli. Et vers 15h, lui et moi, on repart en vélo en souriant.
Rédigé par : Le Cookie Masqué | 19 septembre 2008 à 19:12
Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un si joli texte sur l'achat d'un jean, APC certes. Je vous souhaite plein de délices.
Rédigé par : Miss Glitzy | 22 septembre 2008 à 14:26
Sand > Hasard ou coïncidence ?
Thaïs > C'est tout le charme de la chose, cette cohabitation prolongée...
Cookie > Quoique. Les chaussures de sécurité en Vélib' ça le fait non ? ;-)
Miss Glitzy > Mille merci.
Rédigé par : Thierry Richard | 22 septembre 2008 à 17:05
Ni l'un et ni l'autre, c'est que du plaisir! La magie de faire du bien et ce qui en découle donc....! A bientôt et merci de ce que tu fais.
Rédigé par : Sandra | 23 septembre 2008 à 05:36
un an sans lavage????
Rédigé par : connasseee | 23 septembre 2008 à 14:56
Connasseee > Ca vous en bouche un coin, hein les filles ! Et c'est pourtant vrai.
Rédigé par : Thierry Richard | 23 septembre 2008 à 23:50
je suis sur le point de laver mon new cure après 1 an et 5 mois, notamment ponctué par un festival rock en seine 2007 plein de boue...jme tate encore
Rédigé par : jondufletch | 23 octobre 2008 à 20:29