Chroniques du Plaisir

Septime

Voici une adresse à la subtile délicatesse qui, avec Akrame précédemment cité, est ma petite friandise du moment : le Septime (on appréciera la référence "Defunesienne" au Grand Restaurant)

Maintenant que le vent décoiffant de la critique, des obsédés de la nouvelle adresse et des foodistas en manque d'émotions fortes est un peu retombé, et que la salle s'est peuplée de "vrais" clients, il est temps de filer vers la rue de Charonne. Direction l'Est parisien donc, et sa volée de très belles adresses bistrotières, pour rejoindre une salle de belles proportions, très lumineuse, chaleureuse et accueillante, aux accents un peu scandinaves dans leur dépouillement et l'esprit "nature" (bois sombres, pierre claire, fleurs des champs).

L'autre versant du minimalisme (outre le menu au choix aussi réduit qu'un fond de sauce) se loge dans l'assiette. Mais quelle assiette ! Des produits d'une fraîcheur effervescente, préparés avec un respect de leur intégrité qui frise l'absolutisme (cuissons lentes ou snackés, peu d'agréments, assaisonnements légers et parfumés). Ecoutez (et goûtez) plutôt : Gnochetti d'une légèreté incroyable avec une crème de maïs, des copeaux de vieux fromage hollandais et quelques fleurs (franchement, ça décoiffe), Onglet de veau, petit jus, asperge blanche et pommes grenailles tout en finesse et en douceur, Lieu jaune aux olives à l'onctuosité d'une cuisse de jeune fille (si vous voyez ce que je veux dire), Tarte au petit suisse, gentiment régressive dans son registre aérien.

Il y a dans les préparations de Bertrand Grebaut (ayant fait ses armes chez Alain Passard) une bonté et une générosité qui émeuvent. Une forme de douceur qui caresse l'âme autant que le palais et qui ne peut laisser insensible.

Service exclusivement masculin, aimable mais parfois un peu débordé par le succès de l'adresse. Vins naturels et sympathiques (comme leurs prix avec une belle moisson de bouteilles à moins de 30 €).

Dernier argument pour achever de vous convaincre : Entrée, plat, dessert et vin pour 26 € au déjeuner ! Vous êtes encore là ?

 

Septime
80, rue de Charonne
75011 Paris
01 43 67 38 29

Menus à 21 € et 26 € au déjeuner
Au dîner comptez entre 40 € et 50 € 
Menu Carte Blanche à 55 €

Plus de photos de Septime, ici. 

La Maison de l'Amérique Latine

Il flottait ce soir là comme un parfum de nostalgie campagnarde sur les rives du boulevard Saint-Germain. Cela faisait bien dix ans (si, si, la roue tourne vous savez) que je n'avais pas mis les pieds sur le gazon éclatant de la Maison de l'Amérique Latine. Quelle bêtise ! Se laisser à ce point porter par l'air du temps et négliger ces planques discrètes où la vie s'écoule en douceur, sans tapage. Imaginez donc le bonheur de retrouver cette terrasse superbe, isolée, comme un jardin perdu (bien peigné toutefois) à quelques mètres des automobiles. Un refuge de silence, de calme, comme si les coeurs battaient ici un peu moins vite. C'est bien simple, la Maison de l'Amérique Latine est sans doute l'une des plus belles terrasses de Paris et l'une des plus ignorées (mais est-ce un mal ?)

De belles tables aux nappes blanches lestées de leur argenterie, des fleurs coupées, de grands parasols et, le soir descendant, la lumière vacillante des bougies vibrant dans ses yeux. Car bien sûr, on ne vient pas ici seul, le mieux étant, sans doute, d'y être galamment accompagné. C'était heureusement mon cas. On pouvait donc parler à voix basse et laisser filer le temps, lui accorder le droit anachronique de se dissoudre lentement dans la nuit. Sans se presser.

Et la cuisine me direz-vous ? Vous savez bien qu'on ne vient pas ici pour ça. Et pourtant, elle est bien plus qu'honorable. Le "Marbré de ris de veau et caille" faisait résonner le vert cinglant de ses asperges estafilées, avec rondeur et bonhomie. Le "Quasi de veau à la gremolata" roulait tranquillement ses petits pois à la française, sans déshonneur, avec même un petit côté frondeur très agréable. Juste un bémol sur le dessert ("Transparence de fruits rouges au basilic") un peu trop apprêté à mon goût. Mais au final, le bel accord d'une cuisine sans prétention autre que celle de vous accompagner agréablement un moment, ayant cette délicatesse de ne pas vouloir à tout prix s'imposer dans votre tête à tête.

Service d'expérience, adorable. Pour un peu, on garderait l'adresse pour soi. Mais vous le savez, je ne suis pas comme ça.

 

Maison de l'Amérique Latine
217, boulevard Saint Germain
75007 Paris
01 49 54 75 10

Menu à 37 € (déjeuner), 55 € et 69 € 

Plus de photos de la Maison de l'Amérique Latine, ici.

Agapé Substance

C'est comme partout, en gastronomie aussi, il y a parfois des rendez-vous manqués. En rêgle générale, je vous les épargne : sauf rares exceptions (les plus horripilantes) vous ne trouvez dans ces colonnes ni tables boiteuses, ni mauvaises fortunes, ni ratages de cuisine. Les plantades je les garde pour moi. Sauf quand le sentiment de m'être fait avoir comme un bleu me serre le ventre. Alors là, c'est plus fort que moi, il faut que je vous alerte, que je vous épargne le traquenard dans lequel j'ai mis les deux pieds.

Celui du jour eut pour cadre l'Agapé Substance, cette table déchaînant déjà, une semaine après l'ouverture seulement, les enthousiasmes à l'aveugle, les louanges superlatives. Patatras, moi qui me faisais une fête de ce déjeuner entre les mains de David Toutain, j'en suis ressorti (nous, devrais-je dire, puisque mon partenaire gastronome du jour, trop bien élevé pour hausser le ton, rongeait son frein lui aussi en refermant la porte) furieux. Pourquoi ? Une raison simple et passablement irritante : comment démarrer un déjeuner sur un menu à 39 € et finir avec une addition passablement alourdie à 198 € pour deux, avec vins au verre (12 € pièce) et un dessert partagé... Oh, tout s'est fait dans la bonne humeur bien sûr ! On commence par vous proposer du Champagne, puis on insiste, finalement vous dîtes oui (faiblesse alcoolique) et voilà que vous découvrez, une heure plus tard, sur la note le coût de ce petit écart (car bien sûr on ne vous a rien dit) : 44 € (ouille). Vous vous dites, si j'attaque au Champagne, prenons des vins au verre, cela permettra de varier les plaisirs et de ne pas réveiller la mauvaise humeur du banquier. Et pan ! Absents de la carte des vins, on vous sert des verres à 12 € pièce (Un Sancerre de Riffault et un Morgon de Lapierre 2010, vu et bu partout ailleurs). Là encore, vous découvrirez la surprise sur l'addition. Peut-être nous a-t-on pris pour des critiques tous frais payés (la salle en débordait) ?

Et le reste me direz-vous ? Passons sur le cadre, un labo futuriste tout de longueur, aux murs plaqués de miroirs, éclairé aux néons dans une lumière d'un jaune doré métallique assez réfrigérant. Cela peut avoir son charme si l'on aime la lumière artificielle et les plastiques blancs. On dira que c'est un concept. Qu'on prendra soin d'éviter pour les rendez-vous galants. Quant au vrai sujet, la cuisine de celui que certains considèrent comme un jeune prodige de 30 ans, elle oscille entre l'inopportun et le magnifique. C'est souvent le cas avec la cuisine d'auteur, et c'est là sa faiblesse, des rencontres se font et d'autres ne se font pas, sans pour autant que la maîtrise du Chef ne soit en cause. Au bilan des ratages : l'amuse-bouche (Yuzu en trois textures et dentelle de riz, superbe mais atone, sans la moindre percussion) et le Tourteau (servi en minuscules bouchées accompagnées d'un bouillon et d'agrumes, trop evanescent pour laisser une quelconque empreinte). Mais quand la rencontre se fait, c'est le bonheur. Celui des champignons (mousserons, pieds bleus - je crois -, noisettes, petit jus et herbes, croquants, parfumés, un délice) et du veau (très joliment présenté dans une harmonie chromatique noire, recouvert d'olives déshydratées, cuit à la perfection dans un rosé tendre). Dessert autour du chocolat sans grand intérêt si ce n'est de ne pas pousser trop loin le thermostat du sucré (gateau au gruau de chocolat, différentes textures, différents type de chocolat, lait, blanc). 

Pour ce qui est du service en salle, vous l'avez compris, je n'en dirai pas plus. Je n'aime pas être pris pour un gogo, fut-ce avec le sourire et dans une fausse connivence. Ah j'oubliais la dernière anecdote : quand vous demandez une seconde carte de visite du restaurant (nous étions deux, dois-je le rappeler), le Monsieur tord du nez et vous fait remarquer qu'elles sont en bois, et que cela coûte cher... Très élégant.

 

Agapé Substance
66, rue Mazarine
75006 Paris
01 43 29 33 83

Menus à 39 € (déjeuner), 51 €, 65 € (déjeuner), 78 €, 99 €

Plus de photos d'Agapé Substance, ici.

Akrame

Ne cherchez pas. C'est sans doute l'une des meilleures surprises de ces derniers mois, et l'un de mes deux chouchous du moment : j'y suis déjà allé deux fois en deux semaines, et pourtant l'Akrame n'a pas plus de trois mois d'existence (ou à peine).

Un tout petit endroit, confortable, décoré très contemporain, un peu dans l'esprit gris souris (tout le monde n'aime pas) d'Oh Poivrier, version 80s, plutôt chic avec une cuisine ouverte comme cela se pratique de plus en plus. Autre gimmick de l'époque : le menu imposé, avec ses variantes au choix à 35, 45 ou 65 € selon votre appétit et l'épaisseur de votre portefeuille.

Et dans l'assiette ça donne quoi alors ? C'est franchement impressionnant. La cuisine d'Akrame (c'est le nom du chef, passé, entre autres, chez El Bulli) bouscule et tranche dans le vif. Subtiles alliances de saveurs (pigeon mariné à l'eau de rose et patate douce en émulsion), essais bluffants (un sorbet au safran avec sa madeleine sans sucre totalement bouleversant), superbe maîtrise des cuissons (Oeuf cuit à 62°, choux fleurs, espadon fumé d'une fraîcheur cinglante). Attention, le beurre servi en amuse-bouche (délicieuse tradition), au citron vert et fèves tonka est diabolique. Un superbe potentiel, franchement. De la passion, du savoir-faire, de l'imagination, le tout avec une gentillesse et une bonhommie que l'on sent dans le plat.

Une table que je recommanderais avec enthousisasme pour les déjeuners d'affaire (c'est calme, pas de musique), les dîners en tête-à-tête aventureux (il faut que la dame aime la chose tout de même - je parle ici de la cuisine inventive). Pour les assemblées un peu plus nombreuses, une grande table ronde pour quatre et une table d'hôte pour six avec vue sur la cuisine.

Sommelier à la hauteur de la tâche, tout ému d'être là, au milieu de ce maelstrom de curiosité parisienne. Vins au verre un peu chers (8 €), préférer une bouteille (démarrage des enchères à 30 €). Service complice mais sans familiarité.

J'ai vraiment adoré. A vous de jouer maintenant.

 

Akrame
19, rue Lauriston
75016 Paris
01 40 67 11 16

Comptez entre 40 € et 60 €

Plus de photos, comme toujours, ici.

Belle de Juillet : Bianca Balti

Les Petits Plats

Aujourd'hui, on parle table de proximité. Les Petits Plats est une vaillante petite adresse de quartier, encore épargnée par les flonflons des faiseurs de mode de l'est parisien. Un décor comme on les aime, chaleureux (joli bar en U, ardoises, tables en bois sans nappe, carrelage ancien, étagères garnies de bouteilles, vieux couteaux) pour une cuisine de marché, vive et solide, évitant les allées trop balisées de la cuisine bourgeoise de maman et les effets de mode des produits bruts jetés dans l'assiette que l'on retrouve un peu partout aujourd'hui. Des alliances bien pensées (selle d'agneau + barigoule d'artichaut, Saint-Pierre + Ravioles d'oignons nouveaux + Asperges), viande de l'Aubrac.

Menu du jour au déjeuner, entrée + plat à 15 € (ce jour-là : Gaspacho de coeur de boeuf et coriandre, frais et parfumé + Risotto de supions, pequillos et rougets grillés de fort bonne tenue).
A la carte, compter tout de même une bonne trentaine d'euros.
Service jeune et décontracté sans familiarité excessive. Nombreux petits vins sympathiques autour de 20-25 €.

Pas de quoi traverser tout Paris et réserver 5 semaines à l'avance, mais si vous passez rive gauche, vous trouverez là une table bien sympathique...

 

Les Petits Plats
39 rue des Plantes
75014 Paris
01 45 42 50 52

Plus de photos des Petits Plats, ici.

C'était mon mois de Mai

Mini Palais

C'est sans aucun doute une des terrasses les plus agréables pour passer dans l'air doux l'été qui vient. Comme un pont de navire amiral voguant au bord de l'avenue Winston Churchill, déployant ses vastes colonnades sous le soleil couchant avec le Petit Palais en ligne de mire. Un air de pont supérieur, sièges de rotin, petits palmiers et photophores où dansent des flamèches oranges. Des silhouettes alanguies, des conversations à voix basse. Peur de déranger le soir qui descend. Voilà donc la terrasse du Mini Palais. Son bar à champagne, son piano de bar.

Côté assiette, c'est désormais Eric Fréchon qui secoue les méninges de la table. Une table gentiment fusion, assez futée pour ménager l'homme d'affaire, la fille facile, le touriste de goût en goguette, l'amateur d'art du Grand Palais adjacent et l'appétit parisien des quartiers chics. "Burrata aux fines tranches de jambon de parme" à la fraîcheur des Pouilles, "Soupe de concombre glacée au lait de coco, émietté de crabe", délicatement frétillante et parfumée, "Ris de veau en croûte de comté au vin jaune" solidement arrimé à son terroir ventru, "Merlan aux amandes, salade de tétragone, pequillos et câpres" onctueusement moelleux et "Salade de pomme verte et framboise aux herbes fraîches" comme une claque de rosée matinale. C'est joliment fait et de très bonne tenue pour une salle transatlantique qui défile les couverts par dizaines.

 Un moment très parisien en somme.

 

Mini Palais
Au Grand Palais
Avenue Winston Churchill
75008 Paris
Téléphone : 01 42 56 42 42 

Ouvert tous les jours

Menu à 28 € (Déjeuner)
A la carte compter autour de 50 €

Plus de photos du Mini Palais, ici. 

Amitié et tomates déshydratées

Hier soir, chez Geoffroy et Emilie, on avait fait les choses bien. En entrée, des tomates tièdes avec une petite sauce au safran. Mais pas n'importe quelles tomates : déshydratées puis ré-hydratées au bouillon. Comment déshydrater des tomates ? Simplissime. Mondées (sans la peau donc), on les laisse suer leur eau deux jours durant, dans un four à 60°C. Oui, deux jours de préparation pour une entrée avalée en 10 minutes. C'est à ce genre de détails-là que l'on mesure une véritable amitié.

A ça, et au choix des porte-couteaux. 

 

Pique-nique chic dans un Relais & Châteaux

Pfff ! Vous n’imaginez pas ce que ma boîte email ingurgite tous les jours. Des demandes par douzaines, des propositions à gogo (« pourriez-vous relayer l’information sur votre blog ? »), honnêtes ou à côté de la plaque, des sollicitations à tire-larigot. Ma corbeille en regorge. Mais aujourd’hui, c’est différent. J’ai très envie de vous toucher deux mots d’une opération que je trouve franchement épatante.

Avec le printemps, l’air qui tiédit et les coquelicots en débandade, ce sont des envies de campagne qui vous prennent. On a soudainement le cœur à filer à l’anglaise sous les branchages, à humer l’herbe fraîche et déplier sa couverture à l’abri d’une futaie pour se régaler du retour de l’heure des pique-niques. Mais attention, on ne parle pas ici de tables et de chaises pliantes, ni du mobilier en ciment des aires d’autoroute, on parle de campagne chaleureuse et de jolis paniers d’osier.

Alors si comme moi, dès que les beaux jours rappliquent, des envies d’escapades gourmandes vous saisissent, allez faire un tour ici. C’est l’affaire du moment. Des paniers pique-nique préparés durant tous les week-ends du mois de juin par une quarantaine d’établissements Relais & Châteaux sur tout le territoire français et que vous pouvez commander pour 40 € par personne (c’est gratuit pour les enfants) pour les déguster dans des endroits bucoliques prévus à cet effet par vos hôtes dans leurs parcs et jardins. On pique-nique au champagne et on puise dans les paniers-repas des spécialités de chaque terroir concerné. De quoi renouveler avec chic (et bonheur), ce grand plaisir qu’est le déjeuner sur l’herbe.

Vous je sais pas, moi, en tout cas, j’irai.

 

PS : Toutes les semaines du mois de juin, un panier pour 2 à gagner sur la page facebook des Relais & Châteaux.