Je lisais Pourquoi pas le silence de Blanche de Richemont. Un livre sensible et juste sur l’adolescence, ses sentiments fragiles et son vague à l’âme tenace. Je me suis demandé quelle musique s’accorderait bien avec ce livre tout en retenue et en pudeur, qui pourtant finit mal. Et j’ai repensé à François Couperin.
Plus exactement aux Barricades Mystérieuses. Ce petit rondeau composé pour clavecin par Couperin en 1717 et dont j’ai aimé le titre énigmatique bien avant d’en savourer la mélodie envoûtante et tendre. On raconte que ce titre lui fut donné à cause de la partition où les enchevêtrements de notes entre la main gauche et la main droite dessinaient à l’évidence une forme de barricade. Il faut d’ailleurs reconnaître à François Couperin un art consommé pour nommer ses œuvres de manière poétique.
Je vous en ai pioché quelques uns à la volée parmi mes préférés : « Leçons de ténèbres », « Les idées heureuses », « Le petit deuil », « Les grâces incomparables », « Les ombres errantes », « Les plaisirs de Saint-Germain », « La voluptueuse », « Les tours de passe-passe », « Les amours badins »… Si d’aventure je devais un jour me lancer dans l’écriture d’un roman, c’est bien ici assurément que j’irais chercher son titre, comme Sagan fouillant la poésie de Paul Eluard.
Pour ces barricades, la délicatesse du piano me touche plus que la matière dense et grondante du clavecin d’origine, mais c’est affaire de goût. A vous de juger.
« J'avancerai de bonne foy que j'aime mieux ce qui me touche que ce qui me surprend » disait François Couperin. Idem.
Les Barricades Mystérieuses (retranscription pour piano)
François Couperin (1668-1733)
Illustration : Antoine Watteau - Les deux cousines (c. 1717-1718)
Cher ami,
Pendant dix-huit annés, j'ai baigné dans ce parfum de peinture et de tapisserie aussi fines et délicates que la neige effleurant la joue d'un enfant.Des toiles du 16ième et 17 ième siècle, un immense lustre aux gouttes de cristals se tenant au dessus de la grande table ovale de la salle à manger, le grand bahut bordeau aux dorures scultées, le marbre qui lui servait de plateau, ces nus voluptieux où je plongeaient mes yeux jusqu'au plus infime détail, comme le grain de peau que ces artistes avaient déposés là comme une brume fraîche ou le givre des petits matins d'hiver qui perle les pétales et les feuilles des roses qui se lèvent au soleil. Pendant ce temps écoulés de manèges enchantés et de barricades mystèrieuses, les éclairs et les orages font la foudre des couleurs et des saveurs de ces années. Elles dessinent les lignes du solfège, le lit de ces merveilleuses notes de musique qui dansent sur le piano, elles font bouillir ces petites bulles de son comme des larmes sautant de barricade en barricade au fur et à mesure du temps qui nous embrasse de part ce souvenir et ce bouquet de roses blanches.
Bien à vous, cher ami.
Je n'ai nulle préférence entre ce qui me touche et ce qui me surprend car les deux ont en moi comme une émotion bouillonnante qui s'assemble en une seule lorsqu'elle jaillit de moi par ces peintures et ces musiques de mon temps passé. Je les désire du plus profond de mon être mais je ne puis m'y résoudre tellement j'en pleure de silence dans mon obscurité de lumière intense. Je m'y abandonne lorsque les larmes débordent de tout leur charme de désordres, mais dans ce monde, dans ma vie, elles ne trouvent malheureusement aucune place...
Rédigé par : Sand | 07 octobre 2008 à 15:21
Dommage de se satisfaire du piano pour Couperin! la prochaine fois que je fais un concert, promis, je programme Les Barricades et je t'invite personnellement afin que tu constates à quel point cette musique est toute faite pour le clavecin... quand c'est pas trop mal joué c'est infiniment plus délicat et plus chatoyant...
tiens, sinon, une petite vidéo pour faire écho à Watteau : http://www.youtube.com/contessa1750
Rédigé par : Claude Nadeau | 07 octobre 2008 à 19:55
Sand > Nostalgie...
Claude > Chiche !
Rédigé par : Thierry Richard | 07 octobre 2008 à 19:58
@Thierry : Antalgique...
Je suis complètement paumée ce soir, perdue dans ma tristesse...Je ne sais plus à qui je peux parler...Mon blog cherche un blog bien spécial, un à qui il pourrait parler en secret, sans que personne ne le voit, ni ne l'entende, son âme-soeur, là où le boudoir d'antant serait prioritaire, confidentiel, là où personne pourrait y mettre le moindre commentaire sauf lui, sauf elle pour faire la conversation, comme au temps où les femmes choisissaient un soldat à qui parler, l'aimer, puis se marier....en toute tranquilité pour construire leur vie de blogs....
Mon compagnon vient de partir faire un tour en voiture car mon ex mari me téléphone de Saint-Tropez me proposant monts et merveilles car il gagne plein de fric chez Sénéquier, veut me prendre Evan pour partir en avion à Paris etc..et avec Anaïs aussi, je suis prise entre des millions de feux, je protège mes enfants, j'en oublie ma femme, moi, je dors dans mon blog, je pense que je vais faire une fugue car je ne tiens presque plus dans cette analgésie de moi....Je vous aime, vous, mes chers amis, je....Voilà, j'ai encore trop parler car je n'ai pas de boudoir là où me féminiser, AIMER, la nostalgie à laquelle j'appartiens, mon âme de femme-enfant du futur...à laquelle je meurs peu à peu de ne point l'atteindre pour la vivre.
Merci...les blogs comme celui-ci...Et pourtant si....
Rédigé par : Sand | 07 octobre 2008 à 21:31
Comme il est bon parfois de s'élever un peu...
Merci de ces délicieux moments.
Rédigé par : françoise | 08 octobre 2008 à 09:33
@françoise : Merci surtout d'aller + en profondeur comme dans la plongée sous-marine, de haut en bas et de bas en haut :) ! Et en apné en+ , tout est réponses de poésie pour Monsieur T!Ahhhh, les kangourous!Ils sont vraiment au top cette année!
http://www.deezer.com/track/575356
Rédigé par : Sand | 08 octobre 2008 à 13:24
Le trésor caché des poètes est une carte de ruines en diamands de perles fines! Je t'embrasse Gentleman, toi, qui a le pouvoir de m'avoir fait passer tant de caps vers les golfs de l'azur...
http://fr.youtube.com/watch?v=ReLllNkqcxw
Rédigé par : Sand | 08 octobre 2008 à 13:41
C'est toujours avec beaucoup d'intérêts que je vous lis car il y a toujours une merveille cachée au détour des phrases. Aujourd'hui c'est ce compositeur que je découvre en vous lisant. Juste une question, qui interprète cette version des "Barricades mystérieuses" ?
Merci !
Rédigé par : mlys | 08 octobre 2008 à 22:41
Quelle subtile délicatesse dans l'Ecriture de ce Rondeau de François COUPERIN: Je ne me lasse pas de l'écouter !
Rédigé par : Jacques LEMARCHAND | 10 juin 2012 à 19:39