C’est un étrange contraste et une passionnante complémentarité qui lient les deux ouvrages parus récemment sur Françoise Sagan. Si Un Amour de Sagan d'Annick Geille se plaçait d'emblée sur le territoire de l'intime donnant à voir par le menu la passion amoureuse qui lia l’auteur à Françoise Sagan, celui de Marie-Dominique Lelièvre semble de prime abord faire œuvre plus traditionnelle de biographe. Plus traditionnelle ? Pas si sûr.
Redoutable portraitiste pour Libération, Marie-Dominique Lelièvre a mis son coup de crayon précis et acéré au service de son admiration clairement revendiquée pour Françoise Sagan, « vibrante icône à l’anticonformisme délicieusement scandaleux » dont elle a décidé de raconter la vie au travers des personnes l’ayant connue. Pour dresser un portrait fidèle et multiple de Françoise Sagan, elle s'est donc attachée à faire parler son entourage le plus proche, en commençant par Florence Malraux et Bernard Frank, puis, procédant par cercles concentriques, elle a rencontré au total près d’une cinquantaine de personnes l’ayant côtoyée, amis, amours, relations « d’affaires » (dans tous les sens du terme), famille, banquiers, médecins, secrétaires et autres gens de maison.
Evitant dès lors consciencieusement la forme biographique traditionnelle, qui conduit linéairement de la naissance à la mort, Marie-Dominique Lelièvre aborde son sujet comme un tableau pointilliste à la Seurat où chaque nouveau témoignage apporte sa propre couleur à l’ensemble qui se dessine sous les yeux du lecteur, touche après touche, sans respect absolu de la chronologie.