C’est sans doute depuis toujours l’heure du jour que je savoure avec le plus grand plaisir, l’émotion la plus intense. Depuis toujours ? Disons, peut-être, depuis cette époque lointaine où lors de ces longs voyages en auto qui nous menaient, enfants, régulièrement de Paris à la Côte d’Azur, je fuyais la radio qu’écoutaient nos parents en m’absorbant, le front collé à la vitre, dans la poursuite des nuages à la tombée du jour. Les reflets de cette lumière métallique, luisante et si particulière me fascinaient déjà.
C’est l’heure de l’entre-deux, de l’instabilité par excellence. Ce n’est pas encore la nuit mais plus vraiment le jour. Le ciel se teinte de toutes les variations de bleus possibles, sombres, lumineux, gris, laiteux, mis en relief par les derniers rayons d’un soleil mourant. Le monde se blottit alors dans une lumière passagère, éclatante, profonde, aux reflets dorés et brillants. Toute chose semble si différente de ce qu’elle était il y a quelques instants. Et de ce qu’elle sera dans quelques minutes, quand la nuit se sera finalement rendue maître des lieux, sous la lune, les étoiles ou les réverbères.
C’est le moment où les choses s’effacent, semblent disparaitre lentement dans une douceur pastel en jetant à nos visages leurs derniers feux. Un instant de clair-obscur qui met en évidence le relief véritable de nos paysages, comme si la vraie nature des choses jaillissait soudainement pour un seul instant avant de regagner la pénombre.
Un moment où tout semble devenir possible.