Chroniques du Plaisir

Bistrot de l'Entrecôte

                    

       

En lisant la carte du Bistrot de l’Entrecôte, on se dit que l’on a du freiner un peu trop tard, et, dépassant la Porte Maillot dans un élan, s’arrêter en bout de course Place du Maréchal Juin. Car voici qu’on y trouve, pour 25 €, la formule qui fit le succès du célèbre Relais de Venise : une salade aux noix suivie d’un filet de bœuf émincé, sa sauce et ses pommes allumettes maison.

   

Alors on relève la tête. Non, on ne s’est pas trompé. Le décor est moderne, drôle (ce cochon écarlate) et lumineux. Les tables sont largement espacées et laissent respirer les coudes. Les sourires qui vous servent ont moins de trente ans. Mais on est venu pour ça, la seule ligne qui compte dans ce menu (comme là-bas d’ailleurs), l’entrecôte et sa sauce. On veut savoir si oui ou non on peut cloner une recette à succès. Alors on commande. Et l’on en croit pas ses yeux, le même vert luisant et moucheté de la sauce, les mêmes frites en dôme de mikado et la viande saignante, rouge, aux stigmates de grill. Alors on goûte. Pour en avoir le cœur net. Et franchement il n’y a rien à redire. La cuisson est parfaite, les pommes allumettes croustillantes, la sauce un régal de douceur sauvage. Ce qui n’est finalement pas si étonnant si l’on se souvient que Jean-Claude Ribaut avait dévoilé dans Le Monde il y a bien longtemps le fameux « secret ».

  

Alors voilà la bonne nouvelle, vous pouvez maintenant choisir votre cadre pour savourer la fameuse entrecôte qui n’en est pas une, à l’ancienne ou contemporain (et choisissez votre partenaire en conséquence).

  

Tout de même, une différence notable, la tendreté de la viande du Bistrot surpasse celle du Relais. La preuve en images :

 

 

  

 

 

Bistrot de l’Entrecôte

10, place du Maréchal Juin

75017 Paris
Téléphone : 01 46 22 01 22

 

Ouvert tous les jours

  

Menu à 25 €

A la carte, comptez entre 30 et 40 €

 

  

Plus de photos du Bistrot de l’Entrecôte, ici.

Illustrations : A gauche au Relais de Venise, à droite au Bistrot de l’Entrecôte

 

Bistro Volnay

           

           

Une belle découverte dans le quartier de l’Opéra, dont le nom est encore peu répandu sur les bouches des faiseurs de réputation (une exception notable ici). Mais cela viendra, tant le Bistro Volnay cumule de ressources aimables. Une belle salle lumineuse, un immense comptoir années 30, des murs de bouteilles tirant leur jeu d’un papier-peint aux palmes dorées, du chic et du chien. Dans l’assiette, c’est idem : clarté, précision et choix de produits de première qualité. Une cuisine qui claque comme un coup de fouet ; et vous saisit par son talent sans artifice évitant les jingles de l’époque pour se concentrer toute entière dans la limpidité de la saison. Déjeuner d’une Epaule de lapin servie tiède et mousserons au vinaigre, d’une Longe de cochon du Perche, gnocchi, girolles et jus réduit, et d’un Mille-feuille de chocolat blanc aux framboises. Cuissons parfaites, bel équilibre des saveurs, textures joliment panachées. Un sans faute. Autour de cela plane une carte des vins sacrément bien troussée et un service tout-féminin à la délicatesse discrète. Bref, un restaurant très agréablement dégusté aux beaux jours et que l’on a hâte de retrouver cet Automne. Son décor élégant et sobre très largement badigeonné d’esprit Art-Déco devrait nous protéger agréablement des premiers frimas. Et le gibier se frayer sa course à la carte... Rendez-vous est pris pour la rentrée !

   

  

    

Bistro Volnay

8, rue Volney

75002 Paris

Téléphone : 01 42 61 06 65

   

Fermé samedi et dimanche

  

Menu-Carte à 36 €

     

Plus de photos du Bistro Volnay, ici.

Le Dôme du Marais

              

     

Il en est de ces adresses comme des vieux domestiques du roman balzacien : elles sont là depuis si longtemps qu’on ne les remarque plus. Enfouies dans les plis d’une mémoire trop portée, elles restent posées là, à côté d’une main qui jamais ne se tend. Ou si peu. Elles n’ont pourtant pas démérité. C’est simplement que le jour se lève désormais en d’autres lieux. Mais quand par hasard l’idée vous revient et que vous filez déjeuner au Dôme du Marais, sous l’antique rotonde de lumière dorée (l’ancienne salle des ventes de Ma Tante), les goûts vous reviennent en bouche avant l’assiette. Derrière les hauts murs, face à de noires statues, on respire lentement, dans une salle d’un calme de page blanche.

    

Les souvenirs alors s’incarnent dans un Millefeuille de mousseron, léger, crémeux, conjuguant l’odeur des sous-bois et la vivacité potagère de l’épinard frais, une Dorade grillée subtilement soulignée d’une émulsion d’huile d’olive grecque et un Soufflé chaud à la Chartreuse d’anthologie. Un dessert qui avance bedonnant de bonheur tiède, à peine alcoolisé par un voile de Chartreuse comme une brume matinale, traînant dans son sillage un sorbet pomme verte – estragon soufflant le froid et le chaud. Un dessert que l’on croyait à jamais disparu dans les arrière-cours de nos enfances et qu’on retrouve là comme un oubli.

  

Le tout sous la baguette d’un maître d'hôtel cravaté à la raideur, la politesse, et le parler d'autrefois. Un plaisir de plus en plus rare.

   

  

     

  

  

Le Dôme du Marais

53 bis, rue des Francs-Bourgeois

75004 Paris
Téléphone : 01 42 74 54 17

  

Fermé Dimanche et Lundi

   

Menu déjeuner à 25 € (Formule à 19 €)

A la carte, compter entre 40 € et 60 €

    

Plus de photos du Dôme du Marais, là.

 

Quelques terrasses parisiennes

                    

  

Pour répondre à des demandes de plus en plus fréquentes au fur et à mesure que le ciel blanchit, une petite sélection de terrasses parisiennes déjà chroniquées deci-delà (je suis en ce moment comme le Siècle de Bernard Frank, débordé).

  

 

Voici donc, outre Bagatelle, Mama Shelter et Le Café des Lettres ayant fait l’objet de billets (plus ou moins) détaillés, quelques tables recommandables pour savourer un instant, le nez au vent et la veste tombée, un peu de l’air parisien. De quoi s’adonner en toute innocence au plaisir de goûter du bout des lèvres l’appétit des vacances quelques heures durant.

  

 

A vos lunettes (noires) !

 

L'Ourcine

Nous n’étions pas retournés à l’Ourcine depuis bien longtemps, de ces longtemps qui se comptent en années. Il flottait encore dans ma mémoire quelques souvenirs incomplets d’une salle aux espaces un peu lâches mais d’une cuisine de tout premier plan, vive et étonnante. C’est souvent comme cela. En tout cas pour moi. Au bout de quelques mois, je ne retiens d’un restaurant qu’une impression diffuse mais tranchée, un détail, une compagnie, une ambiance, rarement une image précise et détaillée, l’intitulé des plats et le montant de l’addition au centime près.  

Et puis, cette sensation positive persistant, j’ai eu envie d’y revenir. J’y ai même traîné une jolie compagnie de mines gourmandes et de coudes téméraires. Changement de lieu. L’Ourcine s’est désormais glissée derrière une devanture rougeoyante où l’on peut lire, dans une calligraphie de maître d’école, « Cuisine de cuisinier » et « Vins de vignerons ». Retour aussi vers plus de chaleur à l’image de ces bois sombres sentant l’encaustique et du vernis passé de ces tables sans nappes.

 

Jadis

             

    

Elle portait une minerve. Je ne l’ai remarquée que lorsque elle a ôté son manteau et débarrassé ses épaules d’une large écharpe qui la couvrait jusqu’au visage, au moment de se mettre à table donc. Cela donnait à son port de tête une allure altière, presque hautaine, le menton fièrement dressé vers l’avant, qui contrastait avec la candeur de son sourire juvénile.

    

Elle m’avait dit « vous verrez vous ne serez pas déçu ». Elle parlait avec enthousiasme de cette adresse qu’elle tenait à me faire découvrir, quelque temps après que la tourmente médiatique s’en soit finalement éloignée pour aller ailleurs butiner d’autres nouveautés. Elle parlait de ce bistrot ouvert en plein XV^ème par un ancien de chez Michel Bras et Pierre Gagnaire (Guillaume Delage fut longtemps chef du Gaya) et qu’elle fréquentait souvent. Elle n’eut pas à batailler pour me convaincre, quelques échos flatteurs l’ayant précédée ces six derniers mois. L’affaire était faite lorsque de surcroit j’appris par la bande que le nom du restaurant, Jadis, était un hommage à Antoine Blondin et à Monsieur Jadis, son double littéraire. Bon présage !

Réginette

           

     

Un œil toujours aux aguets de ces mini-planques aux mini-prix où l’on se régale sans déguster, je vous ai dégoté cette semaine une adresse assez improbable. Une pizzeria de poche coincée dans la Galerie 66, à deux pas des Champs-Elysées. Oui, je sais, dit comme ça on ne saute pas sur son mobile pour réserver ! Mais attendez la suite.

  

La suite c’est ce décor invraisemblable, tout en longueur, comme posé là, naviguant entre cabine de luxe d’un paquebot transatlantique et wagon d’un transaméricain des années 40 carrossé par Raymond Loewy, boiseries et métaux de vif argent, le mobilier lorgnant quant à lui vers le scandinave vintage.

La Chinoiserie

              

     

C’est un plaisir très parisien que de vivre dans la foule pour mieux s’en extraire le soir venu. Trouver un refuge loin du monde, sombre et raffiné, pour un tête à tête les yeux dans les yeux, les doigts effleurant doucement la main de l’autre alors que l’on se parle à voix basse. Dans ces moments-là, on ne cherche pas le luxe d’une belle table blanche amidonnée au service impeccable mais plutôt celui d’une tranquille beauté discrète. En un mot, on privilégie le profond sofa moelleux au fauteuil à médaillon Louis XVI, plus près du sol, plus près des sens. Il y faut de la musique douce qui laisse passer entre ses notes vos confidences, un service furtif, qui vous débarrasse sans s’attarder comme une brise légère sur le cou, des mets agréables, qui surprennent sans pour autant détourner l’attention de l’essentiel : nous.

Bagatelle

             

    

Il y a toujours quelque chose d’émouvant dans le premier déjeuner en terrasse de la saison. Comme la promesse d’un air léger, les prémices d’une saison lumineuse et chaude, l’avant-goût de corps brunis enfin dévoilés (jusqu’au genou seulement, mais c’est déjà ça). Porté par une humeur frivole, on se sent prêt à toutes les indulgences, trop heureux de se retrouver enfin sous les arbres et le vent. Pour moi, c’était hier, au Jardin de Bagatelle. Elle était belle et la terrasse aussi. Trainant sa nonchalance sous des dais de toile blanche, exhalant ses parfums d’herbe coupée et de bois exotiques huilés. Dans l’assiette des nourritures anodines mais convenables (Soupe de melon rafraîchissante au Sauternes fringante, Salade César un peu atone, Filet de dorade royale et pommes écrasées à la cive consciencieusement honnête, Pavé de thon plancha mi-cuit et piperade opportun, Véritable fraise melba à la limite de la désinvolture). Autour de nous l’arc-en-ciel de la clientèle bois de Boulogne chic et champêtre, avec quelques joyeuses fausses notes, entre bimbos à chien-chien-de-poche et touristes américains en Nike, pour égayer le paysage. Cadre soigné dans sa fraîcheur printanière et rose. Tarifs made in 16^ème, mais l’endroit le justifie et les appétits des beaux jours se contenteront d’un plat. Service d’une gentillesse et d’une lenteur sans égales.

  

  

   

Bagatelle

Route de Sèvres à Neuilly

75016 Paris
Téléphone : 01 40 67 98 29

  

Ouvert tous les jours.

  

A la carte, comptez entre 30 € et 40 €

  

Plus de photos de Bagatelle, ici.

    

Les Saveurs de Flora

        

             

Il faisait chaud vendredi soir au 36 de l’avenue George V. Bien plus chaud qu’à Paris.

  

On y sentait le souffle tiède de la Méditerranée, des corniches blanches de l’Atlantique, entre Mistral et Sirocco, sous des lueurs rosées dégoulinant de lustres à pampilles. On y vivait au moins thermostat 8, on y respirait des parfums indolents au milieu desquels pointait parfois un éclair épicé enflammant un instant les joues, on s’étonnait de sentir résonner entre les murs de ce boudoir si tendrement féminin les chants mêlés de la cuisine marocaine et des usages continentaux. On s’amusait à relever les touches impressionnistes colorant les plats d’une saveur lointaine, le cumin et l’huile dans le pain, les briouates flirtant avec le bar figé dans sa raideur distinguée et les fulgurances d’un citron confit, les olives concassées au goût puissant enveloppant la caille confite comme une petite chose fragile, un oursin cinglant comme sorti de la brume armé de sa mouillette au beurre d’algues et l’œuf coque à la truffe caressant, un standard de la maison d’un dénuement absolu. On sentait le soleil, la garrigue, les palmiers et l’huile d’argan. On était bien.

  

Vendredi soir au 36 de l’avenue George V on goûtait la cuisine à quatre mains de Flora et Meryem et ce fut un beau voyage.

  

   

    

      

Les Saveurs de Flora

36 avenue George V

75008 Paris

Téléphone : 01 40 70 10 49

   

Formule Déjeuner à 29 €

Menus à 38 € et 68 €

A la carte compter entre 50 et 80 €

   

Plus de photos des Saveurs de Flora, ici.